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Les délinquants font la loi
ANNABA
Publié dans L'Expression le 04 - 02 - 2006

L'antique Hippone n'est plus bonne à fréquenter, de l'avis même de ses habitants.
Echappant à une meute de chiens qui le poursuivaient à travers un des sentiers boisés surplombant la baie d'Annaba, un citoyen se retrouve subitement face à la menace d'une arme blanche brandie par un individu inconnu. Une figure qu'assurément, il n'a jamais vue de sa vie.
Ce dernier semblait comme piqué au vif. Sur son visage «se lisait une colère indescriptible», raconte, encore sous le choc, le jeune homme.
En déplacement professionnel, la semaine dernière dans la wilaya d'Annaba, ce citoyen a failli subir les frais d'une véritable agression, n'était l'intervention salutaire d'un passant qui a réussi à tempérer les ardeurs coléreuses et belliqueuses de l'agresseur. Et pourtant, ce «missionnaire», hébergé dans le somptueux hôtel Rym El Djamil, voulait tout simplement s'offrir un bol d'air frais.
Cela, en se promenant en cette douce matinée du lundi 30 janvier, à travers les sentiers d'un mont verdoyant qui embrasse la Grande bleue. C'est en effet au-dessus de ce mont qu'est perché ledit établissement hôtelier.
L'endroit pittoresque et captivant est situé en dehors de la ville d'Annaba. Dans sa promenade, notre missionnaire a été surpris par trois molosses qui n'ont pas manqué de se mettre à ses trousses, comme s'il venait franchir les lieux d'une propriété privée.
Ainsi, la petite virée a vite pris les allures d'une véritable mésaventure. « J'étais dépourvu de l'usage de la parole devant cette tournure subite des événements», avoue-t-il. N'était le concours d'une tierce personne qui a convaincu les deux parties antagonistes qu'il s'agit d'un simple malentendu, il aurait été tabassé, voire même poignardé d'un coup de couteau. L'intervenant, pour calmer les esprits, n'était autre qu'un citoyen qui, non loin de là, s'affairait à nettoyer son véhicule.
Il expliqua par la suite à la victime que l'endroit, en l'occurrence les alentours de l'hôtel Rym El Djamil, est infesté de délinquants qui s'attaquent souvent à des couples de passage.
Ces couples ont fini, par la force des choses, par se pourvoir, «soit d'une arme blanche, soit d'une bombe lacrymogène, sinon en se faisant accompagner par leurs chiens domestiques pour faire face à de mauvaises surprises», rapporte le citoyen.
Cependant, il se trouve malheureusement que ce n'est pas uniquement cet endroit qui est infréquentable, c'est toute la ville d'Annaba, surnommée jadis la Coquette, qui est en proie à une recrudescence effroyable de la criminalité.
Bône n'est plus bonne à fréquenter
En effet, de l'avis de nombreux citoyens, derrière la beauté féerique de la ville d'Annaba, la pratique de la criminalité se traduisant par l'accumulation des vols, des agressions, des viols et d'autres méfaits générés par la consommation de l'alcool ou de la drogue, a pris des proportions gravissimes. «La ville d'Annaba est devenue une grande métropole. Elle est convoitée de partout et dans le sillage de ce flux des populations qui ont fini par s'implanter dans ces quartiers urbains, beaucoup de fléaux aussi désastreux les uns que les autres, ont vu le jour», relève un quadragénaire, rencontré non loin du quartier Belvédère.
Ce dernier se souvient encore du drame d'un flic qui a vidé son chargeur sur sa femme, et ce, avant de mettre fin à ses jours. Il attesta, en ce sens, que cette tragédie -rapportée dans les colonnes de la presse il y a de cela quelques jours- a mis en émoi tous les citoyens annabis. «Vous ne pouvez plus circuler librement dans les ruelles d'Annaba. On a souvent cette hantise de se faire agresser par l'un de ces vulgaires malfrats», raconte une dame employée comme assistante administrative au lycée saint Augustin.
Ainsi, les habitants de l'antique Hippone s'interdisent, d'eux-mêmes, la fréquentation de certains quartiers, désormais squattés par les délinquants, tels que les ruines des Sept dormants, ces vestiges marquant le passage des Turcs dans cette région, Tabakop, ou encore la fameuse Place d'armes située au coeur de la ville d'Annaba. Cette placette considérée comme un espace exploité par des vendeurs à la sauvette, est en passe de se reconvertir en une véritable plaque tournante de tout l'est du pays dans la commercialisation de la drogue. «A la Place d'armes, les gens sont dépouillés de leurs objets, en particulier les portables», nous confie le colonel Douar Toufik, chef du groupement d'Annaba de la Gendarmerie nationale. «La Place d'armes est aussi le carrefour de rendez-vous de tous les trafiquants de drogue issus des quinze wilayas de l'est algérien qui viennent ici s'approvisionner en kif traité pour le revendre dans leurs wilayas respectives», affirme le même officier de la gendarmerie. Le colonel Douar nous fait part de ces propos à l'intérieur du groupement de la gendarmerie dont lui-même assure le commandement. Il vient d'instruire ses éléments du programme d'une sortie nocturne pour traquer les délinquants et les adeptes de la criminalité et pour laquelle nous nous sommes déplacés d'Alger, pour en assurer la couverture médiatique.
Il leur énumère les endroits «chauds» qui vont faire l'objet d'un assaut des brigadiers, en cette nuit hivernale. Ainsi les résidants, entre autres, des communes de Séraïdi, Sidi-Ammar, El-Hadjar, Sidi- Achour, Ain-El-Berda, de la ville d'Annaba, notamment ceux se trouvant sur l'axe du littoral, de même que ceux des quartiers Rozi Amor et Belvédère, étaient assurément surpris, dans la nuit du lundi à mardi dernier, par la mobilisation de quelque 200 brigadiers, sortis sur le terrain pour un contrôle appuyé. Parmi cette escouade figure une femme, une seule ! Il s'agit du lieutenant Wahiba Boumediene, chargée de la communication au niveau du 5e commandement régional de la gendarmerie, ayant son siège dans la wilaya de Constantine.
L'officier Boumediene, qui soufflera sa vingt-sixième bougie à la mi-février courant, semble porter en elle l'ambition de combattre le crime. Elle a, en effet, tenu à assister ses collègues dans cette dure mission qui est celle de faire face à de redoutables criminels. Elle aurait pu, en outre, faire autre chose de sa vie que d'intégrer les rangs de la Gendarmerie nationale. Le rêve de devenir une artiste a longtemps bercé son enfance ainsi qu'une bonne partie de son adolescence. Elle aurait pu également se spécialiser dans l'une des filiales médicales, et ses aptitudes en ce sens, étaient avérées, depuis sa scolarisation au secondaire.
Tout compte fait, Wahiba a enfin décidé de s'insérer parmi les rangs de ce corps paramilitaire qu'est la Gendarmerie nationale, et elle a bel et bien beaucoup de raisons pour s'accrocher à sa profession.
C'est la faute au diable!
Par ailleurs, une autre femme ayant la cinquantaine, nous dit-on, s'est rendue en cet après-midi de lundi dernier, au siège de la brigade d'Annaba pour déposer plainte au sujet du dénommé Billal qu'elle accuse d'avoir abusé de sa personne, sur les hauteurs de la commune de Séraïdi. Le jeune Billal qui exerce comme chauffeur de taxi clandestin à Annaba, fut arrêté par les gendarmes de cette ville 24 H après le dépôt de plainte à son encontre. L'on a pu s'entretenir avec lui à l'intérieur du siège de la brigade sus-citée qui le maintenait en garde à vue, en attendant son transfert devant la justice. Il nous dira que, certes, il a transporté, deux jours durant, la femme qui venait de lui causer de sérieux ennuis, sauf qu'il a nié en bloc le fait d'avoir abusé d'elle. Le jeune Billal s'est montré, en outre, plus explicite. Selon lui, cette femme dont il persiste et signe qu'elle est de moeurs légères, l'a convaincu de lui tenir compagnie dans sa tournée dans plusieurs cabarets de la ville d'Annaba. «On a mangé ensemble et on a même dansé ensemble, et à aucun moment il n'était question d'abus sexuel», a-t-il insisté. Y a-t-il eu réellement un viol? La question reste posée dans sa totalité. La réponse, quant à elle, demeure introuvable. En revanche, s'il y a lieu de désigner un fautif dans ce malheur qui frappe de plain-pied deux individus de sexes différents, devenus surexcités du fait d'une consommation abusive d'alcool, autant faire appel au diable qui lui, a bon dos, comme a tenté de le faire croire, à juste titre, le jeune incriminé.
D'autre part, la sortie nocturne de la brigade de gendarmerie mardi dernier, a également inclus le contrôle systématique de beaucoup de cabarets et autant de débits de boissons. La plupart de ces lieux, ouvrant leurs portes jusqu'à des heures tardives de la nuit, tout en ensorcelant leur clientèle au rythme des décibels assourdissants de la musique raï, sont vus comme des gîtes où le plus vieux métier du monde fait florès. Preuve en est, l'un de ces cabarets, en l'occurrence celui dénommé le Soleil Rouge, a déjà été fermé sur décision de justice, en raison d'un crime perpétré en son sein, il y a de cela quelques mois.
En outre, ces endroits malsains sont surtout fréquentés par des délinquants, qui pour certains, n'ont même pas l'âge adulte, à l'image de B.H. 17 ans, arrêté par des gendarmes en possession de morceaux de cannabis, lors de leur sortie nocturne, mardi dernier à Annaba.
Le bilan de cette sortie, la sixième du genre depuis juillet dernier, s'est soldé par l'interpellation de plus d'une centaine d'individus. Pas moins d'une vingtaine, parmi ces derniers, ont été arrêtés. Certains d'entre eux ont fait l'objet d'un mandat délivré par la justice, d'autres étaient en possession d'armes prohibées, d'autres encore en raison d'ivresse publique ou de consommation de cannabis. Soulignons enfin que quelque 676 autres personnes dont une quarantaine de femmes, représentent le bilan des personnes arrêtées par le groupement de la gendarmerie d'Annaba, et inscrit pour le compte de l'année 2005.


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