Les initiateurs du rassemblement espèrent voir les autorités autoriser la manifestation afin de pouvoir passer leur message. Le choix de la place du 1er-Novembre 1954 à Oran où aura lieu, samedi prochain, le rassemblement de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) n'est pas fortuit compte tenu de la symbolique de l'endroit de toutes les luttes estudiantines, partisanes, syndicales, citoyennes, sociales et populaires. Cette agora de la contestation populaire constitue un point de chute incontournable. Les initiateurs du rassemblement (11h-14h) y prévoient même des manifestations artistiques. Les citoyens, qui discutent de la prochaine marche de la CNCD à Alger, font directement le lien avec le rassemblement prévu en écho sur l'ancienne place d'Armes. Les débats tournant autour des événements en Egypte et en Tunisie sont à présent ponctués de larges pans de conversations sur le rassemblement du 12 février. Les visages graves des citoyens en disent long sur leur détermination. Ils sont nombreux en effet à souhaiter que les pouvoirs publics ne répriment pas le regroupement. “C'est une initiative citoyenne pacifique pour faire entendre nos voix en haut lieu”, affirment les citoyens. Ces derniers font montre d'une maturité politique qui ne souffre aucune ambiguïté. “Les récentes mesures édictées par le président de la République ont été déjà prononcées par Moubarak en 2005. Nous devons nous tenir sur nos gardes et ne pas nous laisser faire car il y a comme un vent de manipulation”, affirment pour leur part des jeunes étudiants. Deux quinquagénaires s'invitent à la conversation. “C'est vrai, il n'y a encore rien de palpable sur l'intention du chef de l'Etat de lever l'état d'urgence.” Des enseignants ayant saisi au vol la discussion interviennent à leur tour. “La levée de l'état d'urgence ne va rien apporter, étant donné que le véritable problème réside dans le non-respect du droit dans toute sa plénitude.” Depuis la dernière répression contre la marche du RCD à Alger le 22 janvier, il y a comme un sentiment de “hogra” qui semble raffermir la solidarité des citoyens. “Beaucoup de citoyens qui ne partagent pas l'idéologie du parti de Saïd Sadi ont été scandalisés par la brutalité de la répression qui s'est abattue sur les militants et les sympathisants du RCD”, déplorent un groupe de jeunes universitaires au chômage. Ces derniers portent des griefs acerbes à l'encontre des pouvoirs publics qui semblent tolérer certaines pratiques jugées jusqu'ici comme une atteinte à la sécurité publique. Il faut suivre du regard la multiplication des vendeurs ambulants qui ont squatté les voies publiques au centre-ville d'Oran. “Les autorités laissent faire pour ne pas provoquer les jeunes sans travail. Mais détrompez-vous car dès que les choses se seront tassées, les policiers nous feront la chasse pour nous confisquer notre marchandise”, assurent des vendeurs à la sauvette. Que ce soit au niveau des marchés populaires, dans les cafés et les rues, l'actualité égyptienne s'estompe graduellement au profit de la grogne algérienne. “Le pouvoir a sophistiqué dans la précipitation et la panique des demi-mesures d'apaisement qui restent incomplètes et aléatoires à l'image de la levée de l'état d'urgence”, s'offusquent des médecins. En attendant et sous un ciel printanier, Oran est ostensiblement quadrillée par un imposant service de sécurité qui a déjà pris position au niveau des édifices publics et privés de la ville.