Le 24e jour de la révolte en Libye a été marqué par de nouveaux pilonnages par les forces de Kadhafi sur Ras Lanouf, la ville stratégique à l'est du pays entre les mains des insurgés. Pas de bilan, mais il doit être lourd, Kadhafi utilisant ses avions, ses hélicoptères et ses blindés. Les insurgés libyens ont lancé, hier, un appel à la communauté internationale pour qu'elle impose une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye afin de prévenir un bain de sang. Parallèlement à sa contre-offensive militaire, Kadhafi poursuit sa campagne médiatique en direction des Occidentaux, avançant la thèse d'une opération d'Al-Qaïda, assortie de menaces sur les intérêts de ses partenaires et les champs et installations pétroliers et gaziers. Après moi, le déluge, n'arrête-t-il pas d'instiller, avertissant d'un troisième choc pétrolier. Pour ses populations, les foudres de sa vengeance avec la menace de lâcher complètement son dernier carré de tribus qui croient encore en sa belle étoile. Quant à ses pairs arabes, il leur conseille de tirer leçons de ses déconvenues : éclatement de l'unité nationale, instabilités aux frontières, comme en Tunisie et en égypte, et perte de la souveraineté avec le retour au grand galop du colonialisme. Le tyran de Tripoli joue la montre. Pendant qu'il reprend du poil de la bête, les discussions se sont poursuivies sur la possible imposition d'une zone d'exclusion interdisant l'espace aérien libyen aux appareils de combat pour protéger les civils. Bien que ce soit plus facile à décréter qu'à réaliser, l'UE doit consacrer un sommet à la question en présence de l'Otan que la France estime la plus indiquée pour effectuer une telle mission. Mais les Européens n'ont pas accordé leurs violons. La chef de leur diplomatie, Catherine Ashton, a jeté mercredi un froid au Parlement européen en refusant de soutenir la reconnaissance du CNT libyen demandée par des eurodéputés pour légitimer l'opposition libyenne. La Ligue arabe se réunira, quant à elle, samedi pour discuter notamment de ce sujet et la tendance générale est pour une no-fly zone, mais, il faudra la couverture onusienne. Et au Conseil de sécurité, ni les Russes ni les Chinois ne sont acquis à cette intrusion militaire, qu'ils considèrent comme une ingérence même si la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au dessus de la Libye recueille de plus en plus de soutiens, notamment au sein de l'opposition libyenne qui refuse toute négociation éventuelle avec Kadhafi et exige son départ du pays. Le Conseil national libyen (CNL), reconnu à l'intérieur comme à l'extérieur de la Libye, rejette en effet la participation directe de la communauté internationale à leur combat militaire contre Kadhafi. Washington, dont une armada de guerre est en mouillage au large de Khartoum, n'en pense pas moins, convaincu qu'une intervention militaire risquait surtout de retourner les opinions arabes contre l'Occident. Obama joue également la montre car il sait que Kadhafi est convaincu que rester au pouvoir n'est plus pour lui une option. La marge de manœuvre du dictateur libyen serait désormais considérablement réduite du fait qu'il ne contrôle plus tout le territoire, de défections au sein de son corps diplomatique et de son armée, de sanctions sévères et de menaces de poursuites internationales. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Juan Mendez, a confirmé qu'il examinait des allégations concernant des faits commis par Kadhafi qui réprime depuis un mois des manifestations de l'opposition. Pour Washington, ce n'est qu'une question de timing, du choix du moment et du lieu où va partir Kadhafi, la politique des sanctions, du containment devant donner des résultats. Reste qu'Obama rêve d'un coup d'état familial : les huit rejetons de Kadhafi qui ont goûté au luxe de la vie en Occident ont des intérêts à préserver surtout si les négociations leur permettent d'éviter des poursuites internationales. Les Américains sont prêts à leur ménager une porte de sortie, car ils se rappellent douloureusement que Saddam Hussein a vécu 12 ans avec une no-fly zone au-dessus de l'Irak. Alors pourquoi la contre-offensive de Kadhafi et ses menaces ? Pour des experts, souffler le chaud face à des perspectives incertaines, c'est le b.a.-ba de négociations dans des crises politico-militaires aiguës.