“Ma conception du changement est que celui-ci doit résulter d'un grand débat national qui associe toutes les catégories marginalisées de la société et qui n'exclut personne”, a-t-il précisé. À l'heure où des bouleversements touchent de nombreux pays de la région du Maghreb, où la contestation gagne nombre de secteurs en Algérie et que l'idée du changement de régime réclamée par des pans entiers de la population apparaît plus que jamais inéluctable, écouter Abdelhamid Mehri, un des meubles de la scène politique algérienne, permet sans doute de mieux appréhender les enjeux de l'heure et d'explorer la nature opaque du régime algérien. Dans une lettre adressée il y a quelques jours au président de la République et publiée dans la presse nationale, l'ancien secrétaire général du FLN a esquissé une approche de nature, à ses yeux, à conduire à un changement radical du régime. Mais cette approche qui peut sans doute prêter à discussion ne doit pas faire l'impasse, à ses yeux, sur l'association du pouvoir dans cette perspective. “Le président de la République est une partie importante du changement. Lui et tout ce qu'il symbolise”, a indiqué hier Abdelhamid Mehri lors d'une conférence de presse animée au siège du FFS à Alger. “Je ne crois pas à un changement à travers la négociation ou l'accord limité entre personnes. Ma conception du changement est que celui-ci doit résulter d'un grand débat national qui n'exclut personne et associe toutes les catégories marginalisées de la société”, a-t-il précisé. “C'est la résultante de cette dynamique sociale et politique qui va spécifier la nature du changement… et les délais”, a-t-il ajouté. “Si négocier veut dire est-ce que le Président est une partie de ce changement, je dirais oui. Mais ce n'est pas lui qui va donner le changement, le préparer ou le dicter”, a encore affirmé Mehri. Dans sa déclaration liminaire, Abdelhamid Mehri a rappelé que la revendication d'un changement de régime n'est pas une accusation dirigée contre une personne, un parti, une institution ou une génération précise. Ce n'est pas non plus une opposition à ceux qui assument les responsabilités du pouvoir ou un règlement de compte personnel avec quiconque. Mais le changement doit être “profond et non superficiel ; qui ne fasse pas l'éloge d'une personne, d'un parti ou d'une institution”. Y a-t-il un retour d'écho à cette initiative “personnelle” de la part de la Présidence ? “Jusqu'à l'heure, il n'y a pas de signe visible d'une réponse au contenu de la lettre. Le jour où il y aura réponse, je veillerai à la rendre publique car une question de cette importance ne doit pas être traitée dans des cercles restreints.” Le régime est-il disposé à répondre ? “Je pense que le sentiment général est pour le changement même chez les frères qui sont au pouvoir, mais il y a une multiplication des visions et d'approches pour le changement. Ce qu'il faut éviter, c'est d‘avoir une position comme celle du pouvoir actuel, lequel considère qu'il y a une seule forme d'opposition et un avis unique pour le changement. C'est une erreur. Il faut écouter tout le monde, un débat national qui réponde aux aspirations profondes du peuple algérien.” Dans ce contexte, Mehri qui a dû se rabattre sur le FFS pour organiser sa conférence en raison de l'autorisation exigée par la Maison de la presse. Mehri estime que les tenants de la décision ne doivent pas “entraver cette marche pacifique pour le changement”. Interrogé pour savoir s'il est favorable à la dissolution de la police politique (DRS) ou à sa reconversion, l'ancien secrétaire du FLN a estimé que “cela doit découler d'une conception générale”. Selon lui, le problème du régime depuis l'indépendance est non pas dans les textes, mais dans la pratique, les comportements et les attitudes. “Ce n'est pas un problème de personnes, mais de style, de comportements et de positions.” S'agissant du DRS, Mehri rappelle qu'il fait partie du régime. “Moi, je ne rentre pas dans la logique du régime composé de plusieurs parties. Il a sa logique.” “Moi, je juge le régime dans sa globalité, y compris la présidence et l'armée. Ce régime n'est plus en mesure de gérer les affaires du pays.” Mehri qui appuie toutes les initiatives allant dans le sens du véritable changement démocratique a indiqué qu'il n'a pas rencontré le Président. “Si cela doit se faire, c'est dans un cadre de concertation générale.” Et s'il lui a adressé la lettre, c'est entre autres dans le but de le sensibiliser pour ne pas entraver l'idée du changement. Par ailleurs, il a préconisé l'évaluation des 50 années écoulées.