Près de 500 étudiants en pharmacie, d'autres de l'université de Dély-Ibrahim et une cinquantaine d'Algériens rapatriés de Libye, ont tenu des sit-in parallèles à quelques mètres de la Présidence. Si les étudiants ont quitté les lieux après le dépôt de leurs requêtes, les rapatriés ont refusé car “n'ayant pas d'autres refuges que le trottoir”. Demain, ce sont les enseignants contractuels qui se déplaceront à la Présidence. La contestation sociale qui gagne du terrain est désormais portée au seuil de la Présidence. En effet, deux jours à peine après le sit-in des étudiants de diverses universités et écoles supérieures, d'autres rassemblements ont eu lieu jeudi. En fait, nous en avons recensés trois. Le premier, auquel nous avons été “conviés”, est celui des étudiants en pharmacie. Une fois sur les lieux, nous avons été surpris par l'arrivée des étudiants de l'université de Dély-Ibrahim et un important groupe d'Algériens rapatriés de Libye. Les slogans scandés par les différents contestataires et les klaxons d'automobilistes pris dans les embouteillages ont transformé le paisible quartier d'El-Mouradia en fief de protestation, ce qui a contraint de nombreux commerçants à baisser leur rideau. Et ce fut la paralysie totale pendant toute la matinée. Entre les trois zones de protestation, les nombreux policiers ne savaient où donner de la tête. C'était la cacophonie totale. Plus de 500 étudiants en pharmacie sur les lieux La mobilisation des étudiants en pharmacie a été des plus larges. Plus de 500 futurs pharmaciens ont répondu à l'appel de leurs délégués. En arrivant très tôt sur les lieux, les premiers groupes d'étudiants ne pouvaient pas se rapprocher du siège de la Présidence qui était complètement sécurisé. Un important dispositif sécuritaire a été déployé dès les premières heures de la matinée. Les étudiants seront contraints de se rassembler face aux arrêts de bus du Golf. Les policiers tentaient tant bien que mal de les empêcher de bloquer la circulation en leur demandant de se mettre sur le trottoir. L'afflux de leurs camarades d'Alger, de Blida, de Tlemcen et d'Annaba ne faisait que rallonger l'espace de protestation sur plusieurs mètres obligeant les commerçants à fermer boutique. “Docteur en pharmacie, 16e catégorie”, ou encore “Plus de postes, plus de TP”, “Pharmacie en colère, tous solidaires”, et “Grève maintenue, étudiant exclu”, étaient les nombreux slogans scandés et portés sur les banderoles des contestataires. À 10h30, les délégués des différentes facultés de pharmacie ont été conviés à déposer leur plate-forme de revendications à la direction des requêtes et des relations publiques relevant de la Présidence. Ils en ressortiront quelques heures après. Entre-temps, la situation était des plus critiques avec l'arrivée des étudiants de Dély-Ibrahim qui se sont rassemblés à quelques mètres de ceux de la faculté de pharmacie et, un peu plus haut, de l'autre côté de la rue, les rapatriés de Libye. Le fait que les délégués n'aient pu avoir un délai ou un engagement écrit a suscité la colère des étudiants en pharmacie. “Pourquoi partir d'ici puisque nous n'avons rien de concret. Nos revendications, ils les connaissent, y compris l'exclusion de l'étudiant tunisien”, fulmine l'un d'eux. En effet, un Tunisien, étudiant de 5e année, a été exclu sur décision de la direction de la coopération et des échanges interuniversitaires sous prétexte qu'il a enfreint la loi qui lui interdit de prendre position. Les policiers tentent de convaincre les protestataires de partir. “Descendez plus bas et dispersez-vous”, leur dit-on. Une tâche des plus ardues qui prendra une bonne demi-heure. Les étudiants en pharmacie s'arrêteront face au lycée Cheikh Bouamama (ex-Descartes) où des policiers ont supervisé leur départ dans des bus. Ils se sont donné rendez-vous à la faculté centrale pour une AG. L'Université de DEly-iBrahim compte maintenir la pression Pour les étudiants de l'université de Dély-Ibrahim, les vacances, qui ont débuté jeudi, ne sont pas synonymes de repos. “Nous allons maintenir la pression et nous comptons même tenir un énième rassemblement pendant les vacances”, notent les délégués qui protestent contre la tenue de la conférence nationale pendant les vacances universitaires. “La tutelle a tout calculé. Cette date n'est pas fortuite et n'arrange pas les étudiants. Nous avons, à maintes reprises, demandé le report des débats et des conférences, malheureusement, personne ne nous écoute. C'est pour cette raison que nous nous sommes tournés vers la Présidence”, ajoutent les délégués, pendant que leurs camarades scandaient : “L'étudiant veut un diplôme et du travail”. Conviés de leur côté à la direction des relations publiques de la Présidence, les délégués de l'université d'Alger III déposeront une lettre ouverte au président de la République. “Nous nous tournons vers vous après avoir épuisé tous les autres moyens”, écrivent d'emblée les étudiants à Bouteflika. Et de préciser : “Les contestations ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase, car l'Université algérienne a accumulé des contraintes à tous les niveaux. À travers le document, signé par 1 100 000 étudiants, le président de la République est interpellé en sa qualité de premier magistrat du pays pour inscrire notre demande parmi ses priorités pour une année universitaire stable.” Les rapatriés demandent une prise en charge Le troisième rassemblement de la journée de jeudi à El-Mouradia était celui des rapatriés de Libye. Près d'une cinquantaine d'Algériens rentrés de Tripoli, dont des enfants et une vieille dame de 75 ans, multiplient les rassemblements pour exiger une prise en charge effective de leurs doléances. Sur les lieux, dès les premières heures de la matinée, les rapatriés ont été repoussés par les forces de l'ordre du côté de la BNA. Ils y patienteront sous l'œil vigilant des policiers avant de se décider à se rapprocher des deux sit-in des étudiants. Ils réclament le droit d'être protégé par le président de la République. “Nous sommes rentrés en catastrophe au pays. Nous y avons laissé tous nos biens. L'Etat doit nous prendre en charge”, racontent-ils. Et de poursuivre : “À l'aéroport, on nous a promis de nous prendre en charge une fois au pays. Mais là, nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous n'avons même pas de quoi acheter un sachet de lait pour nos enfants.” Les protestataires, notamment quelques familles de l'intérieur du pays, révèlent qu'ils ont passé la nuit de mercredi à jeudi à la gare du Caroubier. Et de poursuivre : “Le ministère des Affaires étrangères nous a orientés vers les walis respectifs, mais ces derniers refusent de nous recevoir et nous renvoient vers les chefs de cabinet dont certains sont allés jusqu'à nous reprocher notre retour au pays.” Le retour des délégués, qui ont été conviés à déposer leur lettre à la direction des relations publiques, a suscité la colère des rapatriés. La raison ? Les informations n'étaient pas du tout rassurantes. “Ils nous ont dit que notre requête sera entre les mains du président de la République jeudi à minuit.” Les contestataires s'énervent et lancent en chœur : “Notre cas est des plus urgents, pourquoi attendre minuit ? Qu'allons-nous devenir ?” Aux policiers qui leur demandaient de rentrer puisque la lettre a été déposée, les rapatriés répliquent : “Nous resterons là et nous mourrons là. De toutes les façons, nous n'avons pas où aller !”