Redoutant l'enlisement en Libye, les experts militaires mettent sur la table une série de mesures, dont l'encouragement à des négociations entre l'opposition et le régime de Tripoli, afin de hâter le départ de Mouammar Kadhafi. Même si l'opposition refuse pour l'instant d'engager des négociations avec le régime Kadhafi, comme le confirme son absence, hier, à la réunion de l'Union africaine à Addis-Abeba, il n'en demeure pas moins que cette option est envisagée comme un moyen de parvenir à un départ rapide du colonel du pouvoir. Ainsi, aucun délégué de la rébellion libyenne n'était présent à la réunion au siège de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba pour tenter de trouver une solution négociée à la crise en Libye. Par contre, une délégation gouvernementale libyenne était, elle, présente sur les lieux. Des représentants de l'Union européenne et de la Ligue arabe participaient à la réunion, ainsi que les ministres des Affaires étrangères des pays membres du comité de l'UA spécialement mis en place pour suivre la situation en Libye (Afrique du Sud, Congo, Mauritanie, Mali et Ouganda). Cette rencontre a pour but de “favoriser un échange de vues orienté vers l'action sur la situation en Libye et de rechercher les voies et moyens d'une sortie de crise rapide (...)”, a affirmé le président de la Commission de l'UA, Jean Ping. Parmi les autres options envisagées pour écourter cette crise, il est question d'armer la rébellion, de conduire des actions clandestines, d'appeler à l'insurrection, et même fomenter une conspiration. Au vu des nombreux cas d'enlisement des opérations multinationales, à l'exemple des soldats de la Finul au Liban sud, depuis 1978, ceux de la Kfor au Kosovo, depuis 1999, et ceux de l'Isaf en Afghanistan, depuis bientôt dix ans, et devant la probabilité de voir Kadhafi opter pour un pourrissement de la situation, on pense à d'autres moyens de sortie de crise rapide. La planche de salut pourrait venir d'une implosion du régime libyen. Et sur ce point, Washington et Paris sont à la manœuvre avec la volonté à peine dissimulée d'en saper les fondations. Un proche conseiller de Barack Obama a laissé entendre que, soumis à une “tension intense”, certains dans l'entourage de Mouammar Kadhafi avaient déjà “tenté des contacts, en quête de portes de sortie”. Des noms ont même été livrés comme celui du ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa. La France a “encouragé” ouvertement les dirigeants libyens “à faire défection” et à “rejoindre” le Conseil national de transition (CNT), brandissant la menace de poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI). “La CPI observe, regarde, instruit. Nous avons déjà une série de noms sur une liste mais cette liste peut très bien s'allonger (...) Donc, à bon entendeur, salut !”, a averti l'Elysée. Un autre analyste estime que la “meilleure solution serait qu'une partie de l'armée de Kadhafi se retourne contre lui”, tandis qu'un autre rappelle la formule de Churchill : “Si Hitler envahissait l'enfer, je ferais alliance avec le diable”, pour ensuite contraindre “Kadhafi à négocier son départ”. La dernière option est d'armer la rébellion. “C'est ce que les Américains ou la DGSE (renseignements extérieurs français, ndlr) ont fait en Afghanistan du temps de l'occupation soviétique, le genre de choses que l'on fait sans le dire mais qui est toujours risqué”, observe-t-on. Mais le risque est grand parce que les insurgés libyens n'ont, pour la plupart, aucune expérience militaire et que des islamistes pourraient récupérer une partie de la manne. “Il ne suffit pas de donner des armes aux gens pour constituer une armée”, relève un autre expert. L'envoi de forces spéciales au sol ? La plupart de ces hypothèses souffrent d'un grave défaut. Elles sortent totalement des rails de la résolution 1973 qui ne donne aucun mandat aux forces de la coalition pour faire tomber Kadhafi.