C'est, avec le soutien actif des autorités financières du pays qu'un nouveau décor est en voie d'être planté dans le secteur algérien des assurances. Une démarche qui vise, en remodelant les conditions de la concurrence, à stimuler un secteur qui représente encore moins de 1% du PIB et qui reste fortement sous-dimensionné en comparaison des pays voisins ou comparables. Dans le secteur algérien des assurances et depuis le 12 mars dernier, il faut désormais distinguer deux branches : l'assurance des personnes et de capitalisation (AP), et l'assurance dommages (IARD). Toutes les compagnies présentes sur le marché algérien ont été invitées à scinder leur capital et à créer des filiales spécialisées .Elles avaient jusqu'à cette date pour déposer leur dossier d'agrément auprès du ministère des Finances pour pouvoir activer dans chacune des deux branches. En fait, il s'agit essentiellement pour les compagnies existantes de créer une nouvelle société d' “assurance des personnes” qui sera une entité juridique distincte, avec son registre du commerce, sa comptabilité ainsi que sa fiscalité propre, précise un assureur. Le découplage entre les deux branches devra donc être complet pour un marché encore sous-dimensionné mais dont le chiffre d'affaires en croissance rapide a dépassé pour la première fois 1 milliard de dollars en 2010 ; les assurances de personnes ne représentant pas plus de 5 à 6% de ce montant. La première société connue à voir le jour en vertu de la reconfiguration du secteur décidée en novembre 2009 par les pouvoirs publics est une “filiale” de la CAAT, un des trois poids lourds publics du secteur. Dénommée TALA (Taamine Life Assurance) et spécialisée dans l'assurance des personnes, elle vient d'être présentée au public par son P-DG Abdelkrim Djaâfri. Pour atteindre le capital social exigé, soit 1 milliard de dinars ( 10 millions d'euros), la nouvelle société a été créée en association avec la BEA et le Fonds national d'investissement (FNI). L'annonce de sa création a précédé de peu celle d'une autre compagnie d'assurance de personne , la SAPS qui est une joint-venture entre le groupe français Macif, la SAA, la BDL et la BADR. Elle devait être opérationnelle dès la fin du mois de mars a précisé le P-DG du numéro un du secteur, la SAA. Selon Amara Latrous, la toute nouvelle “Société d'assurance, de prévoyance et de santé” (SAPS) est dotée d'un capital social de 2 milliards de DA, le double de ce que prévoit la loi. Il est détenu à 41% par la Macif, alors que les 59% de la partie algérienne sont répartis sur la SAA avec 34%, la BADR avec 10% et la BDL avec 15%. Le P-DG de la SAA a également révélé que la Macif a racheté le portefeuille d'assurances des personnes de la SAA pour une valeur de 1,5 milliard de DA (15 millions d'euros). Selon les termes de l'accord convenu entre les partenaires de cette nouvelle compagnie d'assurances, le management sera assuré par la partie française, tandis que la présidence du conseil d'administration a été confiée à la partie algérienne, Mustapha Douakh pour le poste du président du conseil d'administration et M. Arondeau pour celui de directeur général. Du côté du troisième acteur public, la Compagnie algérienne d'assurance et de réassurance (CAAR) a annoncé voici quelques jours la création d'une nouvelle filiale, la “Caarama Assurances”, spécialisée dans les assurances de personnes. Dotée d'un capital d'un milliard de dinars, la filiale a été agréée le 9 mars dernier. Sur un chiffre d'affaires de 12,8 milliards de DA réalisé par la compagnie en 2010, la branche des assurances de personnes a produit pour 1,4milliard de DA, soit plus de 10% du CA global. Le P-DG de la CAAR, Brahim Djamel Kassali, indiquait récemment que la nouvelle société sera constituée au départ avec “100% de capital de la CAAR avant l'arrivée escomptée d'une banque publique partenaire”. Ce serait “une des trois banques publiques partenaires de la CAAR, à savoir le CPA, la BNA ou la BEA” Les compagnies privées pourraient déclarer forfait dans les assurances de personnes Si pour le secteur public, l'obligation de constituer un capital minimum de 2 milliards de dinars (20 millions d'euros) pour la branche dommages et d'un milliard de dinars (10 millions d'euros) pour la branche assurance des personnes, ne semble pas avoir posé de problèmes. Il n'en est pas de même pour le secteur privé. Le décret du 16 novembre 2009 qui introduit cette obligation soulève deux contraintes majeures pour les compagnies d'assurance privées. La première est le délai : un an environ pour passer à 3 milliards de dinars de capital. “C'est trop court dans un pays où il n'y a pas de marché financier et où il n'y a pas de culture de l'assurance”, estime un assureur privé qui s'apprête à abandonner ses activités au sein de la branche des assurances de personnes. L'autre contrainte pour le secteur privé est de porter le capital à 2 milliards de dinars pour l'assurance dommages. Au cours des derniers mois, les échos recueillis dans le milieu des assureurs privés traduisaient une nette tendance à faire l'impasse sur la branche de l'assurance des personnes pour rester sur le segment de marché plus porteur pour le moment de l'IARD. En mai dernier, le P-DG de la compagnie 2A, Tahar Bala, jugeait les délais imposés trop courts et regrettait l'introduction de la formule du découplage des branches dommages et personnes. “Je peux vous dire que parmi les compagnies privées, aucune ne dépasse un CA de 300 millions DA dans l'assurance-vie. Nous sommes donc appelés à mettre 1 milliard de DA pour gérer 300 millions de DA”. Parmi les six compagnies privées du secteur de l'assurance, la CIAR, Alliance, la 2A, la GAM, la Trust et Salama n'ont pas encore informé le public sur leurs intentions. Bien que le bilan officiel de cette opération encore toute fraîche n'ait pas encore été révélé par les autorités financières algériennes, on s'attendait au cours des dernières semaines à ce que, à l'exception de la GAM dont le capital de 4,16 milliards de dinars nécessitera une simple filialisation, les autres assureurs privés rencontrent de grosses difficultés pour réunir les capitaux nécessaires. Finalement, cette redistribution des cartes au sein du secteur algérien des assurances devrait pour la plupart des observateurs profiter en priorité aux compagnies du secteur public ainsi qu'à leurs nouveaux partenaires étrangers, la Macif et AXA. Le numéro 1 mondial AXA, qui s'est associé avec la BEA et le Fonds national d'investissement, ne devrait plus tarder à entrer en scène. Le projet de création de ses deux filiales algériennes a obtenu le feu vert du Conseil national de l'investissement (CNI), à la fin de l'année dernière.