Le constat est largement partagé et il a été dressé à plusieurs reprises au cours des dernières années y compris par des institutions officielles comme le Conseil national des assurances. Avec une “production” d'à peine 70 milliards de dinars encore l'année dernière, le secteur des assurances est loin de jouer le rôle qui devrait être le sien dans l'économie algérienne. Le poids du secteur continue de représenter un peu plus de 0,6% du PIB national. La comparaison avec nos voisins montre que des progrès très importants sont à réaliser pour atteindre le taux de pénétration de la Tunisie (1,60%) et encore plus pour atteindre la performance du Maroc (2,7%). Ni l'ouverture au secteur privé intervenue en 1995, ni les projets de partenariat évoqués ces dernières années, et pour la plupart restés à l'état de projet, ne sont parvenus à insuffler au secteur le dynamisme susceptible de lui permettre de combler ses retards. Les assurances obligatoires d'abord Le marché algérien est surtout caractérisé par la prévalence des assurances obligatoires. Selon les termes d'un expert européen intervenant dans le cadre d'un projet de coopération : “En Algérie, les particuliers continuent de considérer l'assurance comme une démarche forcée et un impôt subi, ou plus précisément comme une redevance parafiscale.” C'est ainsi que plus de 80% des contrats d'assurance souscrits dans le pays résultent d'une obligation légale. L'assurance automobile se taille la part du lion avec plus de 45% de parts de marché, suivie de l'assurance sur les risques industriels et des assurances souscrites par les transporteurs de voyageurs et de marchandises. Conséquence d'une absence d'obligation légale dans ce domaine, le patrimoine immobilier reste l'un des parents pauvres de l'assurance algérienne. On estime que moins d'un logement sur dix est couvert par un contrat. La création récente, dans le sillage du séisme qui a touché la région d'Alger en 2003, d'une assurance contre les catastrophes naturelles n'a pas permis à ce type d'assurance de décoller significativement. La branche des assurances de personnes (vie, décès, retraite, accident, maladie, etc.) représente aujourd'hui une part insignifiante de l'activité des compagnies d'assurance algériennes ; à peine 5% de parts de marché contre plus de 60% dans les économies avancées. C'est le domaine où le potentiel de développement du marché apparaît comme le plus important. La timide percée des compagnies privées La suppression du monopole de l'Etat dès 1995 a principalement profité à un petit nombre d'entreprises privées algériennes qui ont manifesté un certain dynamisme en élargissant la gamme des produits offerts à la clientèle et en pratiquant une sévère concurrence sur les tarifs. En dépit des pratiques de “dumping” évoquées par les compagnies publiques, le secteur privé, en raison de ses moyens limités, n'a pas été en mesure de capter plus de 10% du chiffre d'affaires du secteur. Cette dernière performance n'a d'ailleurs été possible que grâce au feu vert donné à l'installation de près de 400 agents généraux d'assurance intervenant en dehors du réseau direct des compagnies pour une distribution de proximité. Dans le but de renforcer leur solidité financière, les pouvoirs publics ont récemment décidé, à l'image de ce qui s'est passé dans le secteur bancaire, de relever sensiblement le seuil de capital minimum des compagnies en le portant à 2 milliards de dinars à partir de la fin de l'année 2010. Une mesure qui pourrait mettre en difficulté les plus fragiles d'entre elles. La bancassurance pour bousculer le secteur Au cours des dernières années, les autorités financières algériennes ont manifesté quelques signes visibles de leur détermination à faire bouger le secteur en bousculant des compagnies publiques confortablement adossées à la rente procurée par les assurances obligatoires. Dès 2005, on annonce la mise en route d'un projet de privatisation de la Caar. Comme beaucoup d'autres, ce projet est resté dans les cartons. En février 2006, c'est la loi sur la bancassurance qui autorise pour la première fois les banques à distribuer des produits d'assurance. Voici bientôt deux ans, en mars 2008, c'est encore à l'initiative des autorités algériennes qu'un accord mettant fin à un contentieux de plus de 40 ans est signé entre compagnies algériennes et françaises C'est d'ailleurs par le canal de la bancassurance, et dans le prolongement du règlement de ce contentieux, que sont intervenues pour l'heure les évolutions les plus notables. L'accord signé par la Cnep et Cardif, filiale spécialisée du groupe BNP Paribas, le 27 mars 2008, exploite pour la première fois en Algérie les possibilités ouvertes par la loi sur la bancassurance de février 2006 autorisant les banques à distribuer des produits d'assurances. Il prévoit la distribution, à travers le réseau de la Cnep, qui dispose d'environ 200 agences et compte près de 3 millions de clients, des produits d'assurance élaborés par Cardif El-Djazaïr pour le marché local. Les produits concernés par cet accord sont essentiellement des produits de prévoyance : assurance-décès, assurance-vie ou des produits d'assurance dommage liés aux crédits hypothécaires qui constituent l'essentiel de l'activité de la Cnep. Le premier produit programmé couvre les bénéficiaires des crédits immobiliers contre les risques de décès et d'invalidité. Prévu initialement pour la fin de l'année 2008, le lancement de ces nouveaux produits a été retardé en raison essentiellement de problèmes liés à la réflexion sur la tarification de ces produits. La formation du personnel de la Cnep, qui a concerné près de 700 agents, a également pris du retard en raison d'une révision à la hausse des durées de formation. En dépit de ces difficultés, les premiers “packages” de produits ont été mis sur le marché au 2e semestre 2009. Après l'accord signé par la Cnep et Cardif, la SAA a été la première compagnie d'assurance publique a réagir à cette nouvelle concurrence. Cette réaction s'est effectuée en deux étapes : le 8 avril 2008, c'est d'abord un accord de “partenariat stratégique” qui est signé avec la Macif. Une semaine plus tard, la SAA signe une convention dans le domaine de la bancassurance avec deux banques publiques algériennes, la Badr et la BDL. Le dispositif ainsi mis en place par la première compagnie d'assurance publique algérienne est destiné à lui permettre de contrecarrer les ambitions affichées par le partenariat Cnep-Cardif. L'attelage constitué par l'ensemble SAA-Badr-BDL va disposer de plus de 1 000 guichets dans le pays, tandis que l'accord avec Macif va procurer l'assistance technique nécessaire au développement de la gamme de produits. Le groupe AXA veut conclure un partenariat avec la BEA Pour beaucoup de spécialistes, et en dépit des perspectives non négligeables qu'ils ouvrent, les accords Cnep-Cardif et SAA-Macif n'égalent pas en importance l'impact en matière de dynamisation du marché que pourrait avoir l'installation “à son propre compte” d'un poids lourd de l'assurance sur le marché algérien. Voici environ une année, cette perspective semblait sur le point de se concrétiser. Premier assureur mondial, le groupe AXA souhaite conclure un accord de “partenariat stratégique” dans le domaine de la bancassurance avec la BEA, première banque algérienne. C'est ce qu'affirment les représentants du groupe installés en Algérie depuis près de 18 mois. Ce partenariat a été “validé dans son principe” par les deux institutions financières. Sa concrétisation est liée à l'aboutissement de la démarche d'agrément, par la direction des assurances du ministère des Finances, des deux sociétés de droit algérien créées en décembre 2008 par la multinationale dans les domaines de l'assurance dommages et de l'assurance-vie. Le partenariat avec la BEA est pour AXA-Algérie un des volets d'une stratégie de commercialisation “multicanal” qui reposera en outre sur la création par le groupe de son propre réseau d'agences, ainsi que sur des accords de distribution avec les courtiers de la place. L'objectif de AXA-Algérie est d'être un assureur généraliste. En matière d'assurance dommages, qui représente en Algérie l'essentiel du marché, AXA veut apporter de “l'innovation en matière d'offre de produits”, mais aussi et surtout “de la qualité de service dans des domaines tels que les délais de remboursement, par exemple”. C'est aussi au développement de l'activité, quasiment vierge en Algérie, des assurances de personnes que le groupe souhaite s'atteler. Le groupe souligne qu'au Maroc voisin, le décollage du secteur des assurances a été porté par le développement des assurances de personnes ; la filiale locale du groupe y ayant contribué notablement. AXA-Algérie veut s'appuyer sur l'expertise d'un groupe international dont près des 2/3 du chiffre d'affaires sont réalisés dans les branches vie, épargne et retraite pour imprimer une nouvelle dynamique au marché algérien. Son offre doit inclure à la fois des produits de prévoyance, comme le capital décès qui existe déjà en Algérie, mais aussi des “produits d'épargne, des retraites complémentaires ou des produits d'assurance-santé pour lesquels il existe une véritable demande aujourd'hui en Algérie”. Les différents aspects de cette stratégie ainsi que beaucoup d'autres qui concernent notamment les caractéristiques des produits, les tarifs ainsi que le plan de réassurance ont été consignés dans le dossier d'agrément “très détaillé” déposé auprès du régulateur algérien le 4 janvier 2009. Un dossier qui est aujourd'hui “à l'étude”, selon les informations recueillies par les responsables d'AXA-Algérie et qu'ils ont bon espoir de voir aboutir prochainement. Des accords en stand-by Pénalisé par ses multiples carences, y compris dans le domaine pourtant anciennement développé des assurances obligatoires, le secteur algérien des assurances continue pour l'heure de tourner au ralenti. Tandis que l'expérience des 15 dernières années tend à démontrer que le développement du secteur sur la base des seules capacités nationales, publiques ou privées, bute principalement sur l'absence d'expertise locale à une échelle suffisante, les différents accords de partenariat signés ou annoncés tardent à se concrétiser. Le passage à une vitesse supérieure de la coopération avec les partenaires étrangers semble dans presque tous les cas contrarié à l'étape actuelle par des problèmes liés à la répartition du capital dans les filiales dont la création a été programmée. Pendant ce temps, c'est un pan entier de l'économie nationale, créateur non seulement d'emplois et de richesses mais également de sécurité et de stabilité sociale qui reste dramatiquement sous-dimensionné dans l'attente de jours meilleurs.