Dernières initiatives du chef de l'Etat syrien pour tenter de ramener le calme en Syrie. Malgré ses concessions, lourdes effectivement aux yeux d'un régime qui règne sans partage depuis une soixantaine d'années, Bachar El-Assad reste cependant loin des réformes exigées par la lame de fond protestataire qui s'est élargie dans le pays depuis le 18 mars. Le président syrien a ordonné jeudi la libération de tous les détenus arrêtés durant la récente vague de contestation, hormis les auteurs de crimes “contre la nation et les citoyens”. Dans la même journée, il a aussi formé un nouveau gouvernement. En fait, Bachar fait comme les autres dictateurs, il prend les mêmes et il recommence au nom de la clef de la longévité de ces pouvoirs tyranniques et dynastiques. Le nouvel exécutif dirigé par l'ancien ministre de l'Agriculture, Adel Safar, comprend une trentaine de ministres dont pas un seul pour figurer l'ouverture. D'ailleurs, le ministre de la Défense Ali Habib et les le chef de la diplomatie Walid El-Mouallem sont reconduits à leur poste. C'est tout dire de l'écho de la rue chez les caciques du Bass. Et comme pour mieux signifier que le puzzle syrien reste entre les mains du régime hérité du père Hafed El-Assad, c'est un général, Mohammad El-Chaar, qui a été nommé ministre de l'Intérieur, et l'ancien directeur général de l'agence SANA, le porte-voix officiel, Adnan Hassan Mahmoud, qui est chargé de l'Information. Selon le quotidien damascène Al-Watan, ce nouveau gouvernement “de la période de transition” doit garantir la réalisation des réformes économiques et sociales et combattre la corruption. Le précédent a été dissous fin mars, alors que les manifestations contre le régime syrien, parti de la ville de Deraa, s'étendait comme un feu follet dans le reste du pays. Le président Bachar El-Assad, après avoir promis d'avancer sur le chemin des réformes, semble avoir changé de tactique, se contentant d'annonces et de saupoudrages. Par contre, et pour ne pas répondre aux revendications démocratiques, le maître de Damas s'est rapproché des islamistes. Il n'invente rien à ce propos puisque tous les autres régimes arabes avaient expérimenté cette ouverture à l'islamisme salafiste. Une “hérésie” pour les fondateurs et caciques du Baâth syrien qui jusqu'ici se prévalaient de laïcité dans un environnent marqué par l'établissement de la religion comme source fondamentale de la politique. Le nouveau ministre syrien de l'Enseignement a levé l'interdiction du port du voile intégral par les institutrices des écoles publiques. Le quotidien national Techrine, qui met à la une la décision, nous apprend que quelque 1 200 enseignantes portant le niqab avaient été licenciées pour refus de rendre visible leur visage. Ce retour du voile intégral dans les écoles publiques est une nouvelle concession des autorités à la tendance islamiste de la Syrie qui n'exige rien d'autre que l'application des préceptes religieux. Les autorités syriennes ont positivement répondu à la plupart des demandes formulées par les dirigeants religieux islamiques, s'est félicité le dignitaire islamiste syrien, cheikh Saïd Ramadan El-Bouti. Quant à l'abrogation de l'état d'urgence, Bachar El-Assad procède comme ses homologues algériens. Il a chargé une commission juridique de rédiger une nouvelle législation pour remplacer l'état d'urgence ! Il ne fait pas de doute qu'il fera passer son pays de l'état d'urgence à l'état de siège. Son opposition n'est pas dupe, cette dernière mesure constitue sa revendication essentielle, mais elle exige une nouvelle constituante, car toute la législation syrienne a été bâtie sous le prisme de la loi d'urgence. L'instauration de libertés individuelles et collectives, la libéralisation de la presse, l'établissement du pluralisme politique, tout est entravé par cette loi en vigueur depuis 1963. Face à la montée en puissance de la protestation, la stratégie du pouvoir reste donc la bonne vieille mais éculée recette : diversion et division. Depuis le début, Bachar dénonce un complot venu de l'étranger : la télévision a diffusé les aveux de trois hommes qui affirment avoir reçu de l'argent et des armes d'un parlementaire libanais pour s'en prendre aux services de sécurité syriens, d'autres ont avoué être mandatés par un Libyen anti-syrien. Le régime a aussi opté pour une stratégie de division. Pour attiser les contentieux entre communautés, il a fait des concessions ciblées en faveur de certains groupes confessionnels ou ethniques.