Abasourdis, les Egyptiens ont découvert que tout Charm El-Cheikh appartient aux Moubarak ! S'il est une situation sur laquelle la place Tahrir, l'épicentre et le gardien de l'Egypte post-dictature, n'a plus besoin de se mobiliser, c'est bien le sort de la famille Moubarak. Celle-ci n'a plus aucune chance de s'en sortir : l'ancien “pharaon” va payer, ainsi que ses proches, famille et fidèles du premier carré. Une grande leçon, par ailleurs, pour les régimes arabes qui persistent encore à croire en leur baraka et qui s'illusionnent que chez eux, c'est spécifique, que leurs sujets n'ont pas à en découdre ! C'est ce que racontaient Ali Saleh, Mouammar Kadhafi et Bachar Al-Assad avant que le tsunami du printemps arabe ne les atteigne. L'autre leçon est que les dictateurs n'ont plus de pays ni de vie de rechange. Moubarak a beau être malade, il est soigné dans une chambre de prisonnier dans un hôpital militaire. La place Tahrir en a décidé ainsi, alors que l'armée avait souhaité le faire traiter dans l'hôpital international de Charm El-Cheikh, voire en Allemagne où il avait subi des interventions chirurgicales. Au pain sec comme ses enfants incarcérés dans une prison populaire. Et l'enquête sur la fortune accumulée par le président égyptien déchu et sa famille commence à porter ses fruits. Après les fabuleuses annonces de la richesse de Hosni Moubarak et de sa famille, des comptes en Suisse et dans l'immobilier à Londres et à Manhattan, notamment, les Egyptiens apprennent que l'autre grande fortune est en Egypte même, là où justement les généraux de l'armée l'avaient exilé, pensant certainement lui garantir un exil doré. La station balnéaire de Charm El-Cheikh est pratiquement la propriété des Moubarak. Eh oui ! Toutes les résidences des Mille et Une Nuits, le long des avenues bordées de palmiers de cette ville du sud de la péninsule du Sinaï, ses centres commerciaux, ses hôtels de luxe, ses salles de jeux, ses boutiques… appartiennent à la famille. Charm El-Cheikh, c'est l'équivalent égyptien d'Orlando ou de Las Vegas, sur des kilomètres de plages. En fait, c'est toute la ville qui leur appartient avec ses infrastructures, port, aéroport, centrale électrique. Stupéfiant dans ce pays de 83 millions de personnes où un individu sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté ! Voilà quelques années que les Moubarak avaient pris leurs quartiers à Charm El-Cheikh, un havre de paix pour richissimes à la frontière d'Israël, protégé de la populace égyptienne par un bras de mer. Leur résidence, une villa hollywoodienne dans un grand complexe hôtelier du front de mer, près d'un parcours de golf, est dissimulée derrière des murs de 10 mètres de haut. Parmi leurs voisins : Bakr Ben Laden, un demi-frère d'Oussama, multimilliardaire et président de l'entreprise familiale de bâtiment. Et Charm El-Cheikh ne serait que la partie immergée de la rapine des Moubarak. L'enquête sur la corruption du régime Hosni Moubarak vient juste de commencer, et les premiers éléments sont stupéfiants. Chaque jour ou presque, les Egyptiens découvrent les réalités du patriotisme de l'ex-raïs et de son dévouement pour son pays ! Le parquet est envahi de preuves que son gouvernement accordait des contrats lucratifs à ses amis proches et à ceux de ses enfants. Les enquêteurs semblent travailler aujourd'hui sur le contrat de gaz naturel de plusieurs milliards de dollars conclu avec Israël et obtenu par une société dirigée par un homme qui est considéré comme le meilleur ami de Moubarak, Hussein Salem, un ancien espion des moukhabarate devenu homme d'affaires. Selon le quotidien cairote Al-Gumhuriyya, l'Etat égyptien a procédé à des démarches pour récupérer les biens que les Moubarak ont entreposés à l'étranger, comme ce palais à Londres estimé à 230 millions d'euros, ainsi que les nombreux appartements appartenant à ses deux fils et à son épouse. Hosni Moubarak est sous le coup de cinq chefs d'accusation : corruption, détournement de fonds publics, enrichissement personnel, favoritisme et meurtre sur la personne d'opposants. Gamal, son fils que la famille avait destiné à prendre la relève du père, est, quant à lui, accusé de détournement de fonds publics, de meurtre ainsi que d'incitation et de complicité de meurtre. Le second est sous le coup d'accusations identiques sans le crime. En outre, un tribunal du Caire a décidé de supprimer les noms du président déchu Hosni Moubarak et de son épouse de toutes les places publiques d'Egypte, des avenues, des bibliothèques et d'autres lieux et institutions dans le pays.