La révolution de la dignité du peuple égyptien contre le président Hosni Moubarak, 82 ans, et son régime entame aujourd'hui son treizième jour sans que la mobilisation ne baisse d'intensité. «Le pharaon du Caire» s'accroche mordicus au pouvoir en misant sur le temps et l'usure de la rue, mais la résistance et la détermination des Egyptiens semblent impossibles à annihiler. L'emblématique place Tahrir, cœur battant de la révolte, lui envoie le même message depuis le début des événements : «Dégage, go out». Des centaines de milliers de personnes entonnent l'hymne national à l'unisson, Biladi, comme pour montrer tout un peuple – musulmans, chrétiens, laïcs, libéraux et Frères musulmans – uni contre l'arbitraire du système Moubarak, signifiant ainsi que le pays appartient au peuple et non pas à une caste. Par ailleurs, un groupe d'intellectuels – dont l'écrivain Alaa Al Aswany et Fahmi Howydi, Hamdi Kendil… – a signé un texte appelant le président «à quitter le pouvoir et constituer un gouvernement d'union nationale après dissolution de toutes les institutions élues sous le régime de Moubarak». Acculé par une importante mobilisation, Moubarak, au lieu de quitter le pouvoir, a renvoyé le bureau exécutif du parti au pouvoir, le Parti national démocrate (PND), dont fait partie son fils Gamal. Le site du quotidien cairote Dostor a rapporté que même Moubarak a démissionné de son poste de président du parti. Dans la journée d'hier, l'armée, qui n'a pas encore tranché en faveur d'une partie contre l'autre, a dépêché le chef de la Région centrale de l'armée à la place Tahrir pour appeler les manifestants «à rentrer chez eux», mais son appel a essuyé un échec. «Nous n'allons pas partir d'ici, c'est au régime et à Moubarak de partir», a répondu une foule compacte. L'opposant George Ishak a pris la parole après l'intervention du général, pour insister : «Tant que Moubarak est toujours en place, nous n'allons pas quitter la place Tahrir.» Si sur le terrain, les manifestants maintiennent magistralement la pression contre Moubarak, des tractations et des manœuvres semblent s'accélérer au sein du régime. Selon le penseur arabe Azmi Bechara, «le vice-président Omar Souleïmane est en train de manœuvrer pour fragiliser Hosni Moubarak en éliminant ses appuis au sein de l'appareil policier et politique». «Il y a risque de voir le pouvoir se déplacer du clan Moubarak vers les tenants de services secrets et là réside la crainte de voler au peuple sa révolution», a ajouté M. Bechara. Ainsi, en multipliant les concessions sur la forme sans aller au fond du problème, on montre l'image d'un pouvoir «qui se disloque face à une pression populaire grandissante», a estimé l'opposant Mohamed El Baradei. En début de soirée, des blindés de l'armée ont pris position aux abords de place Tahrir dans une tentative de la libérer, mais c'étaitt sans compter sur la coopération des blocs de manifestants qui se dressaient devant les blindés de l'armée les empêchant d'avancer. Le risque d'affrontement n'est pas envisageable, selon des témoignages. En somme, les Egyptiens, qui se sont élevés en masse contre le régime Moubarak depuis le 25 janvier dernier, entament une autre semaine de lutte, la décrétant «semaine de résistance». Il est attendu que les chrétiens coptes, qui se sont joints en masse à «la révolution de la dignité», organisent la messe de dimanche sur la place Tahrir, sous la protection des musulmans alors que les deux plus grandes institutions religieuses du pays, Al Azhar et l'église orthodoxe, demeurent fidèles au régime.