Un attentat à l'explosif s'est produit jeudi à Marrakech, aux environs de midi, dans le café Argana, situé sur la place Jemaâ el-Fna, haut lieu du tourisme de la ville. On déplore quinze morts et vingt blessés, dont certains seraient dans un état critique. Aussi craint-on l'alourdissement du bilan. Les victimes sont en majorité des touristes étrangers. De sources hospitalières, ainsi que des informations rapportées par des médias présents sur place, faisaient état de la mort de six Français, deux Néerlandais, deux Suisses, deux Russes et deux Tunisiens. Parmi les blessés, majoritairement des étrangers également, certains sont gravement atteints et leur pronostic vital est engagé, selon des sources médicales. La place Jemaâ el-Fna a été bouclée toute la journée et l'aéroport de la ville a été fermé une partie de l'après-midi. La préfecture de Marrakech a mis en avant la thèse de l'attentat kamikaze, se basant sur un témoignage selon lequel un individu se serait attablé dans l'établissement et aurait commandé un jus d'orange, avant de se faire exploser. Mais un autre témoin infirme cette version. Selon lui, l'auteur de l'attentat aurait déposé une valise bourrée d'explosifs dans le café, avant de quitter les lieux. Seule certitude donc, confirmée par ailleurs au ministère marocain de l'Intérieur, il s'agit d'un attentat à l'explosif. “Il s'agit d'un acte terroriste, un acte criminel délibéré”, a affirmé de son côté le ministre de la Communication, avant de relever que “le Maroc est confronté aux mêmes menaces qu'en mai 2003”. Ce faisant, le ministre se réfère aux attentats islamistes qui ont fait 45 morts, dont 12 kamikazes, à Casablanca le 16 mai de cette année-là. Une enquête est ouverte à Marrakech et le roi Mohammed VI est intervenu personnellement pour demander que celle-ci soit menée dans une “totale transparence.” La France, dont plusieurs ressortissants ont été tués ou blessés dans l'attentat, a immédiatement réagi. Nicolas Sarkozy, qui s'est entretenu au téléphone avec le roi, a condamné cet “acte odieux, cruel et lâche”. Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a pour sa part, dénoncé “avec la plus grande fermeté cette attaque terroriste barbare que rien ne saurait justifier”. Par ailleurs, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire, et le ministère de l'Intérieur a confirmé la participation de policiers français à l'enquête diligentée sur place. Paris a confié l'enquête à la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) et à la sous-direction anti-terroriste. L'attentat est intervenu alors que les services marocains concernés estimaient le risque terroriste à un niveau très bas. Le contexte est toutefois quelque peu particulier puisque, dans la foulée des révoltes arabes, des manifestations se sont multipliées ces dernières semaines dans tout le pays, obligeant le roi à annoncer des réformes qui ne font pas l'unanimité. De même, quelques jours avant l'attentat, le souverain a fait libérer de nombreux prisonniers politiques, parmi lesquels plusieurs activistes salafistes. En attendant les conclusions de l'enquête, l'implication probable de la nébuleuse Al-Qaïda au Maghreb islamique est dans tous les esprits, le mode opératoire et la cible crédibilisant une telle hypothèse. L'onde de choc de l'attentat est ressentie dans tout le royaume. Mais ce sont surtout les professionnels du tourisme et les centaines de milliers d'employés qui travaillent dans le secteur qui redoutent des lendemains difficiles.