L'exploit du 12 avril dernier n'a pas été réédité. La marche du 2 mai n'a finalement pas été à la hauteur des objectifs de ses initiateurs. Pour diverses raisons. La marche des étudiants n'a finalement pas eu lieu. Le dispositif sécuritaire mis en place dès les premières heures de la matinée a eu raison de la détermination des nombreux étudiants qui ont pu arriver à Alger. La capitale était complètement quadrillée. Les moindres issues étaient investies par la police. Rien n'a été laissé au hasard, notamment les rues et autres passages empruntés par les étudiants pour rallier la Grande-Poste. Les sorties de la gare Agha et des stations de Cous et de transport public de Tafourah étaient investies pour faire barrage à l'arrivée des manifestants au point de rendez-vous à savoir la Grande-Poste. Cette dernière s'est transformée, l'espace de quelques heures, une véritable forteresse. Les passants, notamment les jeunes sont arrêtés par les policiers qui procèdent à la vérification de leurs papiers en prenant leurs coordonnés mais fouillent minutieusement leurs cartables. Le contrôle devient beaucoup plus sévère à partir de 10 heures. Les étudiants, qui arrivaient par petits groupes, ne savaient plus où aller puisqu'il leur était impossible de se rassembler à la Grande-Poste avant de s'ébranler vers le Palais du gouvernement. C'était l'attente pendant près d'une heure. Alors que les regards étaient braqués sur la Grande-Poste, les étudiants qui ont su que le passage vers le point de rendez-vous est des plus difficiles, se sont donné le mot pour se rassembler à côté de la faculté centrale. à 11h, un groupe d'étudiants bloque la rue appelant ceux qui attendaient à côté de la faculté centrale à les rejoindre. Pris de court, les policiers qui ne s'attendaient à ce changement accourent de la Grande-Poste vers l'université d'Alger I. C'était la panique générale. Les forces antiémeutes bloquent les manifestants. “On est des étudiants, on n'est pas des voyous.” “À bas la répression”, “Marche pacifique”, scandaient les étudiants en exhibant leur carte. Encerclés, les manifestants tentaient vainement de forcer les ceintures de sécurité vers la Grande-Poste. Ils tenteront de faire de même du côté opposé menant vers la place Audin. Mais rien n'y fit car leur nombre n'était pas aussi important que lors de la marche du 12 avril. Et à propos de nombre de manifestants, les chiffres sont une fois de plus contradictoires. Les étudiants parlent de près de 7 000 alors que, selon des sources policières, le nombre ne dépassait pas les 1 000 étudiants. Ce qui nous parait plus plausible vu l'espace investi par les manifestants. Ces derniers occupaient la route du premier jusqu'au second portail de la faculté centrale. Nombreux ont été certes empêchés de rallier le lieu de la manifestation mais sur le nombre des présents sur les lieux n'a pas atteint la moitié de celui de la première marche. En un mot, l'exploit du 12 avril n'a pas été réédité. Nous avons assisté à une marche purement politique et non pédagogique. Les slogans et l'attitude des manifestants n'avaient rien à voir avec les précédentes actions estudiantines qui ont réussi. En interrogeant certains étudiants sur ce subit revirement alors que la Coordination nationale autonome avait insisté sur le caractère apolitique de l'action, ils se sont justifiés par le fait que “nous ne pouvons contrôler tous les étudiants. Il y a eu probablement de la manipulation et des infiltrations”. La grande énigme du premier étudiant blessé Une demi-heure après le début du rassemblement devant la faculté centrale, un groupe d'étudiants évacue un jeune homme en criant : “Il a été poignardé par un policier. Filmez et parlez-en.” Le jeune homme saignait du cou. Une blessure de près de 10 cm certes mais qui paraissait superficielle. Plusieurs versions ont été données. Les étudiants disent qu'il a été poignardé par un policier, d'autres qu'il a été blessé par le bouclier alors que des sources policières sont catégoriques : “Le bouclier est un simple moyen de protection pas un objet contondant qui peut blesser une personne.” Des témoins affirment que le jeune homme s'était blessé par une lame de rasoir. Le blessé ne se sentait nullement en danger puisque nous l'avons revu quelques minutes après son évacuation. Mais cet incident a mis le feu aux poudres et la situation a dégénéré, les slogans politiques ont repris de plus belle : “Pouvoir assassin”, “Le peuple exige le changement du système”. L'action a pris une tournure avec des jets de pierres et de tous autres objets récupérés en direction des policiers. Bilan : une vingtaine d'étudiants et cinq policiers blessés. Ne pouvant forcer les cordons de sécurité, les étudiants se sont contentés de se rassembler en bloquant cette artère principale de la capitale. Les manifestants ont décidé vers 14h d'éviter de nouveaux affrontements en quittant les lieux du côté de la rue Charras. à 14h30, la route a été rouverte à la circulation automobile et le dispositif sécuritaire levé.