Tous les cordons de sécurité déployés pour empêcher les marcheurs ont volé en éclats devant la détermination des étudiants. Pari tenu. Les étudiants ont réussi leur défi. Ils étaient des dizaines de milliers (150.000 selon les organisateurs, entre 20.000 et 30.000 selon d'autres sources) à marcher, hier, sur Alger et ce, de la Grande-Poste à la présidence de la République. Bastonnés, matraqués et agressés, puis divisés en trois groupes, les étudiants qui ont répondu à l'appel de la Coordination nationale autonome des étudiants (Cnae), n'ont reculé devant aucun obstacle, et ont sillonné les rues de la capitale. Tous les cordons de sécurité déployés pour empêcher les marcheurs ont volé en éclats devant la détermination des étudiants. Prévu initialement de la Grande-Poste au Palais du gouvernement, les organisateurs ont finalement changé d'itinéraire et décidé de «monter» à El Mouradia, en guise de protestation contre les brutalités policières. Le long de l'itinéraire (Grande-Poste-El Mouradia), les étudiants ont franchi cinq barrières sécuritaires. Arrivés au Golfe, à quelque cent mètres du siège de la Présidence, ils ont été bloqués par un double cordon sécuritaire: le premier constitué par des milliers d'agents de l'ordre et le second par des dizaines de fourgons de police qui ont bouclé hermétiquement le passage. Des bousculades et des affrontements ont éclaté, notamment au niveau de la Présidence, entre étudiants et agents de l'ordre faisant plus de 150 blessés. Selon un officier de police, il y a eu plus de 70 policiers blessés alors que du côté des organisateurs, on dénombre plus de 100 étudiants dont certains avec du sang sur le visage. Le film de la marche Aux environs de 10 heures du matin, la Grande-Poste était totalement bouclée par un impressionnant dispositif des forces de l'ordre. Les étudiants ont déjoué le piège en se rassemblant au niveau de la place Emir-Abdelkader. D'une seule voix, ils scandent: «Etudiants, étudiants!», «Khawa khawa, zekkara fi l wizara», «Algérie libre et démocratique!». A 10h30 minutes, la procession humaine a déferlé sur la Grande-Poste. Les cordons sécuritaires ont résisté quelques minutes, en bastonnant et en réprimant brutalement les étudiants. Enragés par ce traitement policier, les universitaires ont répondu en criant «Marche pacifique». Les agents de l'ordre ne voulaient rien comprendre. La tension est montée d'un cran et comme un tsunami, les étudiants ont forcé tous les cordons de sécurité déployés autour de la Grande-Poste.Des slogans politiques commencent à fuser «Ulac smah ulac», «Nous sommes toujours des combattants», scandaient-ils, en jetant à terre les barrières dressées par la police. Après ce passage forcé, les étudiants ont décidé de changer l'itinéraire de la marche et de rejoindre El Mouradia au lieu du Palais du gouvernement. Une déferlante humaine Il est 11 heures. A 11 heures 10 minutes, ils ont tenté de forcer le portail de la Fac centrale mais se sont vite ravisés. «One, twoo, tree où va l'Algérie?», scandent-ils encore à ce niveau. La déferlante humaine a emprunté le boulevard Mohamed V pour rejoindre le Palais présidentiel. «Qui sont ceux-là, les étudiants», crient-ils à tue-tête le long de ce boulevard. Arrivés au niveau du Palais du peuple à 11h30 minutes, les marcheurs furent accueillis par un cordon sécuritaire qui n'a pas trop résisté devant la détermination estudiantine.A ce niveau, les étudiants ont radicalisé leur mouvement. «Le peuple veut faire tomber le système», «Ulc smah ulac», clament-ils d'une seule voix. Au fur et à mesure que la procession humaine avance, les cordons de sécurité cèdent face à ce tsunami humain. Les manifestants ont atteint le Golfe vers 12h30 minutes dans une atmosphère de fête, recevant des bouteilles d'eau de la part des riverains. A 14h05, les forces de l'ordre donnent l'assaut et attaquent violemment les étudiants, blessant des dizaines. Les étudiants ont été repoussés et traqués jusqu'au boulevard Krim Belkacem où un autre dispositif impressionnant les attendait de pied ferme.A 15h 20, les manifestants ont rejoint la Grande-Poste et c'est la fiesta. Vingt-cinq minutes plus tard, un étudiant membre de la Cnae a pris la parole pour promettre d'autres actions pour les jours prochains. «Nous reviendrons», a-t-il promis.