Dans les milieux de l'opposition marocaine, pas la traditionnelle mais la toute nouvelle qui a éclos dans le sillage du “printemps arabe”, on est persuadé que l'attentat de la vitrine du tourisme marocaine (Marrakech) fait entrer le pays dans une ère d'incertitude et risque de dévier, sinon de peser sur le cours du “printemps marocain”. Sept jours après l'attentat de la place de Jamaâ el-Fna qui a fait 16 morts à Marrakech, l'enquête s'oriente vers deux hommes au comportement suspect. Des portraits robots ont été établis : celui d'un homme qui se trouvait sur la terrasse de l'étage du café Argana juste avant l'attentat, muni de deux gros sacs qui auraient pu contenir les explosifs et celui d'un autre qui était à l'extérieur du café, paraissant agité. Cacophonie sur les commanditaires : officiellement, c'est toujours la piste Al-Qaïda Maghreb qui est privilégiée, mais comme l'attentat n'a toujours pas été revendiqué, des spécialistes plaident plutôt vers des groupuscules locaux, d'autant que ce terrorisme local a déjà sévi à plusieurs reprises dans le Maroc. La nébuleuse islamiste marocaine est une réalité. Des islamistes marocains, de différentes obédiences, sont régulièrement arrêtés puis relâchés après quelques années en prison. Les services marocains, qui sont épaulés par dix policiers français dépêchées par le président français, des agents du renseignement et de l'antiterrorisme, privilégient la piste Aqmi pour des raisons de politique interne. Les autorités marocaines sommées – de plus en plus – à abandonner leur politique de fuite en avant dans le dossier du Sahara occidental pour que soit régler ce dernier cas de décolonisation, n'avaient pas trouvé mieux pour préserver leur immobilisme que d'accuser les Sahraouis d'abriter dans les territoires libérés des katibas d'Aqmi ! Le Front Polisario et les responsables de la République arabe sahraouie ont démenti ces allégations mensongères et les Marocains n'ont pu fournir aucune preuve sur leur divagation. Par contre, dans les milieux de l'opposition marocaine, pas la traditionnelle mais la toute nouvelle qui a éclos dans le sillage du “printemps arabe”, on est persuadé que l'attentat de la vitrine du tourisme marocaine (Marrakech), fait entrer le pays dans une ère d'incertitude et risque de dévier, sinon de peser sur le cours du “printemps marocain”. Des acteurs de ce mouvement vont jusqu'à se demander si les promesses de réformes du roi Mohammed VI vont-elles faire long feu ? L'attentat est intervenu quelques jours après les importantes manifestations du 24 avril, qui ont vu des dizaines de milliers de Marocains sortir dans les rues pour la troisième fois en deux mois, réclamant plus de justice, une lutte effective contre la corruption et des institutions démocratiques, voire l'instauration d'un système politique du type monarchie constitutionnelle avec le pouvoir entre les mains du Parlement et un roi qui symbolise la nation. Ce mouvement lancé par “les jeunes du 20 février” avait pris de l'ampleur au point où le roi Mohammed VI avait donné l'impression de se mouler dedans. Il a même fait montre de sa volonté d'en accélérer la dynamique par des annonces inédites y compris chez les régimes arabes en proie à la contestation révolutionnaire. Les Marocains jusqu'alors pleins d'enthousiasme sont replongés dans le douloureux souvenir des attentats kamikazes du 16 mai 2003 à Casablanca. Ils appréhendent un retour musclé de la gestion sécuritaire de l'après-16 mai. À l'époque, la presse indépendante marocaine avait dénoncé l'embastillement arbitraire de plusieurs milliers d'individus et fait état de cas de torture, ce que le roi a reconnu en personne en 2005, dans une interview à El Pais, le quotidien de référence madrilène, en admettant “quelques abus”. Et le pas est vite franchi par les Marocains revendiquant des changements de voir un nouveau durcissement sécuritaire mette fin au tout jeune printemps marocain. C'est une perspective qui inquiète au plus haut point le mouvement du 20 Février, ses acteurs et ses sympathisants, à l'image de Youssef Belal, jeune cadre d'un parti de la coalition gouvernementale, qui estime sur son profil Facebook que “le risque est grand de reproduire les erreurs du 16 mai, en tout cas de chercher À bloquer la dynamique citoyenne enclenchée par le 20 février”. Et la crainte n'est pas une simple peur : quelques heures après l'attentat de Marrakech, Rachid Niny, directeur du journal le plus lu du royaume a été inculpé, alors qu'il semblait jusque-là bénéficier de protections au plus haut niveau de l'Etat. Le 1er mai, les coordinateurs du mouvement du 20 Février ont réclamé dans un communiqué, que l'attentat ne remette en question ni les réformes attendues ni la liberté de manifester pacifiquement. Les acteurs du “printemps marocain” n'ont pas montré du doigt les auteurs de l'attentat de Marrakech mais leurs interrogations sont suffisamment parlantes.