Une rétrospective de plus de 140 œuvres provenant de la collection du Musée national des beaux-arts d'Alger, du Musée national Ahmed-Zabana d'Oran, de l'Union nationale des arts culturels (Unac) et de l'atelier Khadda. Certaines ont été prêtées par des particuliers. “Pour avoir su de nouveau faire être le charme de l'élémentaire, il a fallu que Khadda fût un magicien. Il fut, dirais-je, plutôt un géomancien, celui qui lit les signes dans le sable et qui, surtout, commence par les y tracer. (...) Mais ni passé, ni présent, ni avenir : dans les toiles, les dessins de Khadda, se donne à lire ce qui, éternel, confond en lui passé, présent et avenir.” (Mohammed Dib, 1994). Cette citation résume, à elle seule, le travail “plastique” mais surtout le talent de l'artiste-peintre algérien Mohamed Khadda. À travers cette exposition rétrospective, le commissariat du 3e Festival international de l'art contemporain d'Alger lui rend hommage à travers une exposition réunissant plus de 140 tableaux visibles au Musée national d'art contemporain (Mama). Inaugurée mercredi dernier, à 18h, par la ministre de la Culture, Khalida Toumi, en compagnie de la veuve du peintre Naget Belkaïd-Khadda et du directeur du musée, Mohamed Djehiche, cette exposition célèbre le 20e anniversaire de la disparition de l'un des maîtres de la peinture algérienne. C'est également une manière de “célébrer une féconde période de puissante invention picturale”, déclare M. Djehiche. L'expo-hommage se décline sur deux parties, selon les œuvres. L'atritum et le rez-de-chaussée sont dédiés à la peinture à l'huile, alors que sur les murs du premier étage sont accrochées des aquarelles et des gravures. Des vitrines, disposées çà et là, renferment des dessins exécutés à la plume par l'artiste-peintre sur des tablettes. Toujours au 1er étage, sur le mur du fond, des photographies (agrandissements) dévoilent une infime partie de l'intimité de Khadda, dans son quotidien ; en compagnie de son épouse, d'amis… À côté, quatre affiches. Une belle manière de rappeler qu'il était également affichiste. En se promenant dans ce dédale de couleurs et de peinture, une fenêtre s'ouvre sur l'univers du plasticien que certains découvrent pour la première fois et d'autres redécouvrent. Comme décrit par Malek Alloula, “on pénètre dans le monde de Khadda non par effraction mais par un brusque arrachement qui transmue toutes valeurs acquises ou héritées et qui invite sans cesse à un réajustement de la perception (…)”. C'est la même sensation : une délectation visuelle sans pareil. Certains seront surpris de constater que la peinture de Khadda n'est pas sombre. Des toiles bigarrées le prouvent : une palette de couleurs riche et variée. Le visiteur pourra admirer les premières toiles réalisées dans les années, ainsi que l'évolution picturale et artistique jusqu'à sa mort, le 4 mai 1991. Justesse, précision, profondeur, des adjectifs qui peuvent qualifier le talent incontestable de l'artiste. À travers ses peintures c'est la vie, en perpétuel mouvement, qui est représentée. D'une toile à une autre, se dégage une certaine lucidité, celle d'un peintre d'abord, d'un poète ensuite. Après moult regards et haltes, il en résulte qu'aucune toile ne peut être considérée de majeure. Elles le sont toutes, car généreuses, elles s'adressent à celui qui pose sur elle son regard. Elles parlent, elles livrent, elles racontent l'histoire de la société. Par ailleurs, en marge de cette exposition et dans le cadre du 3e Festival international de l'art contemporain d'Alger, deux tables rondes seront organisées aujourd'hui et demain à 10h au Mama sur les thèmes : “Khadda, l'art de décliner son identité en termes d'avenir” et “Les modernités hors d'Europe” (en partenariat avec l'association Les Rencontres place publique). Elles seront animées par des universitaires et spécialistes des arts plastiques. L'exposition “Mohamed Khadda : transformer son identité en termes d'avenir” au Musée national d'art moderne et contemporain à Alger, jusqu'au 30 juin 2011.