Le deuxième Forum d'Alger, organisé le samedi 28 mai, à l'hôtel Hilton, par le quotidien Liberté, en partenariat avec le cabinet Emergy, s'est tenu sous le thème sensible de la sécurité alimentaire. “L'eau, l'agriculture, l'homme. La question de l'autosuffisance alimentaire dans un monde en changement. La terre pourra-t-elle nourrir ses enfants demain ? L'Algérie pourra-t-elle nourrir ses enfants demain ?” Ouvert par MM. Abrous Outoudert et Mourad Preure, respectivement directeur du journal et président du cabinet, cette rencontre a donné lieu à des débats animés. Il faut dire que la participation de personnalités scientifiques, de hauts cadres de l'administration et d'entreprises, de diplomates, dont l'ambassadeur d'Italie, et de chercheurs universitaires, ainsi que la gravité des questions traitées, ne pouvait, forcément pas, laisser l'assistance indifférente. La réflexion a été lancée par M. Attar, ancien ministre des Ressources en eau, par une communication d'une grande pertinence, intitulée “L'eau dans le monde : réalité et perspectives à long terme”, suivie par d'autres intervenants dont la nature des problématiques qu'ils ont soulevées, a été toute aussi pertinente. M. Aouadi, ancien vice-président de Sonatrach en retraite, s'est interrogé sur le contenu scientifique et l'apport technique du concept d'un nouveau système de gestion des ressources en eau, inspirée de l'invention ingénieuse des “fouggaras” dans le Sud algérien et produit par M. Abdelkader Meberbeche, hydraulicien de formation et inventeur de vocation. Ce dernier, après avoir exposé son concept à l'auditoire, a résumé la finalité de son système qui “consiste à économiser l'eau, en aidant à sa répartition rationnelle en direction des consommateurs au moindre coût”. Parmi les questions importantes qui ont focalisé les débats, la sécurité alimentaire, la gestion rationnelle de nos ressources naturelles dont celles de l'eau, l'expérience des techniques de dessalement de l'eau de mer et son coût, le foncier agricole, notre dépendance de l'importation des biens de consommation alimentaire dont la facture avoisine les 7 milliards de dollars, l'élargissement des périmètres irrigables avec une perspective à moyen terme d'atteindre les 1 600 000 hectares irrigués, le développement de la filière blé dur, qui représente 60% de la facture alimentaire, à travers notamment l'amélioration de la nature génétique de la semence locale et celle des rendements à l'hectare, le problème des prix des fruits et légumes ; autant d'interrogations auxquelles les communicateurs ont tenté d'apporter des réponses. Pour M. Attar, il s'agit de recentrer le débat, en se posant la question de savoir si l'Algérie “serait en mesure de nourrir sa population à l'horizon 2020-2030, sachant que si nous avons pu assurer la satisfaction relative des besoins prioritaire en eau potable, il reste que l'agriculture accuse un déficit d'irrigation, du fait que notre pays appartient à la zone géographique frappée par le stress hydrique”. Pour l'orateur, “la crise mondiale de l'eau n'est pas une crise de pénurie mais celle de la gestion de la ressource en eau” et de rappeler le spectre de l'insécurité alimentaire, car, selon lui, 200 millions d'Africains souffrent de mal nutrition. Il conclut en affirmant : “À travers le développement durable, il faut assurer les besoins du présent, sans compromettre ceux des générations futures.” Pour leur part, les représentants du groupe Benamor, après avoir exposé leur expérience dans l'expansion de la filière de la tomate industrielle et l'amélioration sensible du rendement, qui a été multiplié par cinq, grâce notamment à l'adaptation variétale pour contourner les périodes de stress hydrique ont intervenu dans le débat pour souligner la nécessité de fédérer les agriculteurs céréaliers pour améliorer la productivité et la qualité du blé dur local et réduire les importations de céréales, en agissant concomitamment sur la recherche et les habitudes alimentaires des algériens. Quant à M. Rabah Allam, PDG de l'AIC Agro-Consulting, l'Algérie est en mesure de relever le défis de la production et de la productivité du secteur agricole, pour peu qu'on libère les énergies créatrices du secteur privé. Intervenant dans les débats, des représentants de la presse, s'adressant d'abord à M. Attar et aux autres intervenants ensuite, a évoqué une série de préoccupations en relation avec les thématiques exposées. Un confrère s'est interrogé sur l'arrêt par Sonatrach, même si cela n'est pas sa vocation, des expériences concluantes des fermes agricoles dans le Sud, notamment de Guassi Touil et d'Adrar ; ce à quoi, M. Attar a répondu qu'en dehors du “vieillissement des sols, des problèmes de gestion et de changements d'orientation, cette expérience s'est traduite par un échec, alors que Sonatrach voulait donner l'exemple, en démontrant qu'il était possible de développer l'agriculture dans le sud du pays”. Par ailleurs, s'agissant de l'option des stations de dessalement de l'eau de mer, qui nécessitent une consommation d'énergie (gaz) alors que celle-ci est épuisable, la réponse au même questionneur a été que les technologies évoluent et que l'énergie solaire, et éventuellement nucléaire, peuvent être substituées aux énergies traditionnelles, et qu'en tout état de cause, l'Algérie, à l'instar d'autres pays, est obligée de recourir à ces procédés. En ce qui concerne l'épineuse question des prix des fruits et légumes et du foncier agricole, face au débordement de nos étals par les produits importés de même nature et des forces de la spéculation, alors qu'on affiche une volonté d'aller vers un équilibre de nos besoins alimentaires, entre l'importation et sa réduction par l'accroissement de la production nationale, les animateurs ont répondu que cette question, de nature politique, trouvera sa solution dans les efforts de régulation du marché et de l'application de la loi sur l'orientation de la politique agricole qui autorise le système de concessions, dont l'objectif est de rassurer les agriculteurs. Les contributeurs à ce deuxième forum ont conclu sur un consensus optimiste, qui se résume en la capacité de notre pays à relever les défis de la sécurité alimentaire, tout en mettant en avant, l'existence de niches potentielles de gain de productivité, et des immenses potentialités en énergies renouvelables dont nous disposons, pour que la terre Algérie garantisse la pérennité à ses enfants. À eux d'en prendre la responsabilité.