Des spécialistes, des cadres et des universitaires ont apporté leur contribution et ce qu'ils considèrent être la bonne solution pour résoudre l'équation de l'eau. Pour sa seconde édition, le Forum d'Alger, qu'organise Liberté en collaboration avec le cabinet Emergy, a traité, hier, à l'hôtel Hilton, de la problématique de “l'eau, l'agriculture, l'homme. La question de l'autosuffisance alimentaire dans un monde en changement. La terre pourra-t-elle nourrir ses enfants demain ? L'Algérie pourra-t-elle nourrir ses enfants demain ?”, deux questions qui reflètent tout un programme et le know-how de ce qui devrait éclairer les futures politiques, en vue de régler le double problème, jusqu'ici insoluble, de l'utilisation rationnelle des ressources en eau douce et l'alimentation de la population mondiale. Des spécialistes, des cadres et des universitaires ont apporté leurs contributions et ce qu'ils considèrent être la bonne solution pour résoudre l'équation de l'eau. Après une présentation de la problématique par le Dr Mourad Preure, président du cabinet Emergy, se sont succédé à la tribune Mme Samia Kaïd, directrice formation et nouveaux concepts au cabinet Emergy, M. Abdelmadjid Attar, ancien ministre des Ressources en eau, M. Aïssaoui, directeur d'études et aménagement au ministère des Ressources en eau, ainsi que des cadres du groupe Benamor. Mme Kaïd a parlé des challenges qui attendent l'Algérie pour qu'elle puisse déterminer les stratégies les plus compétitives et les plus adaptées pour atteindre un certain équilibre, selon les paramètres des Nations unies qui définissent la sécurité alimentaire comme étant “l'accès à tout moment, pour chaque individu, à une nourriture suffisante qualitativement et quantitativement, pour vivre une vie saine et active”. “Si nous dépendons des importations pour assurer nos besoins alimentaires, nous sommes en danger grave pour notre sécurité nationale. Il y a risque récurrent de troubles, aggravé depuis que les grands pays exportateurs de produits alimentaires se sont mis à transformer en biocarburant une bonne partie de leurs récoltes”, a déclaré Samia Kaid. Et d'ajouter : “Or, la production locale de céréales couvre, bon an mal an, à peine 25% de nos besoins, alors que nous importons 60% de nos besoins en lait. L'Algérie est exposée à la volatilité des prix des produits alimentaires, alors que 30% de sa facture d'importation est dédiée à l'alimentation. 75% des produits alimentaires consommés en Algérie sont importés, qui se classe au 7e rang mondial des importateurs de céréales”, avant de s'interroger si “l'Algérie disposait de ressources en hydrocarbures qui lui permettraient de payer cette lourde facture, mais pour combien de temps encore ? Combien de temps continuerons-nous à subir le Dutch Desease (malaise hollandais) même en agriculture ?” Il y a risque récurrent de troubles depuis que les pays exportateurs se sont lancés dans le biocarburant Plus loin, Samia Kaïd a souligné l'interdépendance des économies planétaires, affirmant que la question de la sécurité alimentaire ne peut être envisagée seulement à l'échelle nationale. “Aucun pays ne peut arriver à une sécurité alimentaire en autarcie”, a-t-elle encore dit. Or, 1,5 milliard d'individus consomment, ou gaspillent 50% de ce qui est produit dans le monde, alors que 4,5 milliards se nourrissent des 50% restants. Quelle solution ? Soit faire manger moins les premiers, soit arriver à produire plus, en quadruplant la production agricole. Car la sécurité alimentaire est un objectif national et mondial. Comment ? En arrivant à trouver des solutions innovantes dans une industrie alimentaire performante. Le libre jeu des lois du marché ne résoudra rien à lui seul, puisque le marché est régulé par l'offre et la demande. Elle rappelle que le premier Sommet mondial de l'alimentation de Rome a énoncé le principe selon lequel “le droit international doit garantir le droit à l'alimentation”. Or, dans la région méditerranéenne, 75% de l'eau disponible se trouvent dans les pays de la rive nord, alors que le stress hydrique se concentre dans les pays de la rive sud. En 2025, la population mondiale souffrant de stress hydrique augmentera de 35%. Déjà les premiers conflits de l'eau sont en train de germer : en Irak, avec la multiplication des barrages sur les sources du Tigre et de l'Euphrate par la Turquie, au Moyen-Orient, avec l'occupation du Litani par Israël, et à propos du partage des eaux du Nil entre l'Egypte et le Soudan particulièrement. Répartition de l'eau, un déséquilibre flagrant De son côté, Abdelmadjid Attar a évoqué le développement durable, ou comment relever le défi de l'eau et du sol. Très à l'aise, dans un secteur qu'il connaît bien car ayant déjà occupé le poste de ministre des Ressources en eau, M. Attar a parlé des réserves d'eau, invariables depuis le commencement de la vie sur la Terre. Mais la qualité de l'eau n'est plus la même partout. L'eau n'est pas à proprement parler une ressource non renouvelable. Mais elle devrait obéir aux mêmes principes, “pourvoir aux besoins du présent, sans hypothéquer ceux des générations futures”. Comment arriver à une relative autosuffisance alimentaire, fixer les populations en luttant contre l'exode rural, aménager des territoires tout en développant de nouveaux espaces et, enfin, lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire : voilà la problématique exposée par l'ancien ministre. Abordant la répartition des ressources en eau douce, par rapport à la population, il a souligné que l'Asie, avec 61% de la population mondiale, dispose de 36% de ressources d'eau utilisables, alors que l'Europe, avec 12% de la population, dispose de 8% d'eau, l'Amérique avec 6% de population, elle a accès à 26% d'eau et l'Afrique avec 5% de population dispose de 10% de ressources d'eau utilisables. Le monde arabe, quant à lui, avec 9% de la superficie mondiale, dispose de 0,6% de ressources en eau renouvelables. Les nappes fossiles, la solution mais à condition… Reste à exploiter les nappes fossiles et les eaux souterraines qui constituent des réserves qui se comptent en milliers de milliards de mètres cubes. Selon M. Attar, “il faut savoir que 5 milliards de mètres cubes peuvent être exploités annuellement sans problème, à condition de répartir les pompages sur une grande étendue afin d'éviter de provoquer des déséquilibres désastreux dans une seule région”. L'ancien ministre a avoué qu'en apprenant certaines normes, il avait été étonné. Ainsi, il faut 15 000 litres d'eau pour produire un kilogramme de viande ou un hamburger, 6 000 l pour un mouton, 5 000 l pour 1 kg de riz, 1 000 l pour 1 kg d'agrumes et 120 000 l pour un véhicule automobile. Si les conditions d'alimentation en eau potable dans les zones urbaines ont progressé en Algérie, avec une moyenne de 170 l par habitant et par jour, on est toujours considéré comme vivant en situation de stress hydrique, puisque la norme est de 500 l/j/habitant. En attendant, il faudrait que les programmes en cours, barrages interconnectés et stations de dessalement d'eau de mer soient mis en service afin de pouvoir envisager une démarche globale qui permettrait parallèlement de lancer des campagnes de sensibilisation pour économiser de l'eau, chez soi ou dans les exploitations agricoles. Notons, par ailleurs, que ce forum a été organisé en partenariat avec les entreprises Société Générale Algérie et Sosemie.