Le juge a renvoyé l'affaire au 26 octobre. L'atmosphère était à couper au couteau, hier, au tribunal de Tébessa. Le procès, tant attendu, du président de la Chambre de commerce de Tébessa et Souk-Ahras, dans l'affaire de notre confrère, le défunt Beliardouh Abdelhaï, devait se dérouler dans la matinée. Omar Belhouchet, le directeur d'El Watan, montre des signes d'énervement. Il nous apprend que de nombreux témoins à charge n'ont pas été convoqués. Il s'enquiert auprès de l'avocat de son journal et des ayants droit du défunt et insiste pour que le report soit demandé. Un confrère parle d'un manque de sérénité évident dans cette affaire. Lorsque l'affaire est citée, Guerboussi est convoqué à la barre, ainsi qu'une douzaine de témoins, tous à décharge, nous confiera un avocat. L'avocat de Beliardouh invoque l'absence de témoins clés et surtout de la fredha. Le juge est très attentif et fait montre d'une objectivité remarquable. Il décide en fin de compte de renvoyer l'affaire au 26 octobre. Durant toute l'audience, Omar Belhouchet est sur des charbons ardents. Il redoutait que le juge refuse le report. Il était tellement énervé qu'il est resté debout tout le temps qu'a duré l'audience. Son collaborateur, Abdelhak Boumaza, nous confiera qu'il avait eu peur que Omar Belhouchet ne s'importe. Dans le bureau de l'avocat, Omar Belhouchet découvre que les procédures pour constituer El Watan partie civile n'avaient pas été mises en branle. Il demande à son avocat de faire le nécessaire et nous apprend qu'il avait décidé de demander l'application de l'article 548 du code de procédure pénale qui permet de demander le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction du même ordre, pour une bonne administration de la justice, dans un climat de sérénité. En clair, faire juger l'affaire ailleurs qu'à Tébessa. Rappelons pour la genèse de l'affaire que l'incident qui allait aboutir au suicide de notre confrère d'El Watan avait eu lieu le samedi 21 juillet 2002. Dans la journée même, avait paru dans El Watan, un article qui mettait gravement en cause Saâd Guerboussi, président de la Chambre de commerce et richissime homme d'affaires, dans une sombre affaire de soutien au terrorisme. L'article qui était signé de notre confrère Beliardouh faisait même état de l'arrestation de l'homme d'affaires par les services de sécurité. Cette rumeur avait, en effet, circulé dans la wilaya de Tébessa depuis plusieurs jours, mais Guerboussi affirmera qu'il n'en était rien et qu'il pouvait prouver le contraire. Dans l'après-midi de la parution de l'article, le président de la Chambre de commerce, incriminé par ce dernier, se mit à la recherche de notre confrère en plein centre-ville. Il était accompagné de ses proches collaborateurs de la Chambre de commerce. Lorsqu'il s'est retrouvé face à notre confrère, il se mit à le battre, puis l'emmena de force dans sa voiture menaçant les témoins de choses et d'autres s'ils s'avisaient à s'interposer. Le lendemain, la ville entière apprit que notre confrère avait été enlevé, séquestré, torturé et exposé à l'hilarité de certaines personnes qui étaient dans les terrasses de cafés. L'affaire eut un retentissement mondial, lorsque, choqué par les mauvais traitements qui lui avaient été infligés, Beliardouh Abdelhaï décida de mettre fin à ses jours. Mais beaucoup d'éléments non élucidés continuent de tarauder l'esprit des Tébessis. D. B. Tébessa, Terre de Dangers pour les Journalistes La région de Tébessa est réputée très dangereuse pour les journalistes en mal de copie et qui s'évertuent à faire dans l'investigation. C'est par ces contrées frontalières que transitent dans les deux sens des quantités faramineuses de kif et de produits de contrebande. Des cadrages et des recoupements sérieux nous permettent de calculer le montant de ces “échanges” en centaines de millions de dollars. Des réseaux “d'hommes d'affaires” nés du néant, associés à des hommes politiques, à des milieux sécuritaires, à la famille régnante en Tunisie et même aux groupes du GSPC ont réussi à construire des empires financiers internationaux. L'affaire des fausses domiciliations vers des comptes étrangers douteux et celle du soutien aux réseaux terroristes ont été littéralement étouffées. Celle de la mafia du ciment, de la friperie, des voitures “taïwan”, des engins en bâtiment, de la falsification de documents officiels, etc., ne sont que la partie visible de l'iceberg. Alors, avis aux journalistes imprudents : la mort vous guette ! D. B.