Lundi dernier, lors du procès des ayants droit du défunt Abdelhaï Beliardouh et El Watan contre Saâd Garboussi, les avocats de la défense ont contesté mordicus la constitution du journal en tant que partie civile, représenté par son directeur Omar Belhouchet. Ils ont même tenté de faire croire que l'intérêt que manifeste le journal à cette affaire serait non pas celui de défendre le journaliste, mais juste parce que le principal accusé, Saâd Garboussi, est le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Nemmenchas, englobant deux wilayas, Tébessa et Souk Ahras. La belle affaire ! Me Soudani dira que Omar Belhouchet est venu à Tébessa plus de « soixante fois ! ». KIDNAPPING D'ailleurs, l'avocat citera l'un des voyages de Omar Belhouchet, quelques jours après l'affaire, où ce dernier avait rencontré le wali et d'autres responsables, leur demandant, entre autres, comment un journaliste peut être kidnappé et séquestré sans que l'on bouge le petit doigt. Il dira aussi que tout ce qui intéressait le directeur du quotidien, c'était la défense de la mémoire du défunt et des orphelins que ce dernier a laissés. Résultat : les avocats de la défense ont beaucoup moins défendu leurs clients sur les poursuites engagées contre eux. Ils se sont attardés sur la teneur de l'article du défunt. Me Soudani dira que lors de plusieurs audiences traitant cette affaire, le fait que l'article du défunt pourrait être contesté a été toujours reconnu, cela n'était pas l'objet du procès, mais l'enlèvement et la séquestration du journaliste par Saâd Garboussi et consorts. Dans sa plaidoirie, Me Soudani déclarera qu'il est étonnant qu'un directeur de la Chambre de commerce et deux autres responsables de cette même structure se mettent au service de Garboussi pour commettre des faits graves de nature criminelle. Pour lui, la principale faute des inculpés consiste dans le fait d'aller chercher le journaliste en vue de l'interroger sur son article de journal et ses sources. Pour réaliser cet objectif, ils se sont mis à quatre avec deux voitures en vue de procéder à son enlèvement et sa séquestration. Pour bien faire encore, ils ont fait appel à un ancien inspecteur de police afin de bénéficier de son expérience dans les interrogatoires. Terminant leur humiliante affaire en apothéose, ils se sont baladés à travers la ville de Tébessa, se rendant notamment au siège du RND et à celui de l'APC de Tébessa en montrant du doigt Beliardouh. Comme quoi, voilà ce qui arrive à celui qui a osé écrire sur Garboussi. Dans le but de récuser les faits reprochés aux inculpés, les avocats de la défense et même Saâd Garboussi ont insisté sur cette trouvaille : « Il (le défunt Beliardouh) était dans ma voiture (de Garboussi) et nous sommes passés devant les services de police sans problème. » Comme quoi, il n'y aurait pas eu ni violence, ni enlèvement, ni séquestration. En réponse à ces propos ressassés, Me Zoubir Soudani fera la remarque suivante (faite déjà lors d'une précédente audience) : « La voiture de Garboussi était garée sur le trottoir, en face du tribunal et tout près du panneau de signalisation d'interdiction de stationnement. Il s'est même trouvé un policier qui l'a salué à son passage ! » TERGIVERSATIONS Durant cette dernière audience, il n'y a pas eu de témoin à charge, comme lors de toutes les précédentes, mais une pléthore de témoins à décharge, en faveur de Saâd Garboussi. Parmi les témoins à décharge présents, au nombre de sept, il s'en est même trouvé un qui n'a jamais été évoqué ni au niveau de la police ni demandé par le juge d'instruction, mais qui s'est présenté de lui-même dix mois après la mort de Beliardouh pour déclarer que ce dernier l'aurait sollicité pour un faux témoignage ! Ce témoin, à la question pertinente du prédisent de l'audience lui demandant sa profession, a déclaré qu'il était chômeur. Le juge maîtrisait parfaitement le dossier, si bien que, par moments, pour inciter les avocats à ne pas patiner, à aller de l'avant et à dire quelque chose d'utile et de nouveau, il les aidait en leur lançant : « Oua bi talli... (En conséquence...). » Outre le mémoire évoquant l'irrecevabilité de l'appel sur le fondement de l'article 363 et bien d'autres encore allant dans le même sens, appel du parquet et des quatre prévenus fait à l'encontre du jugement rendu le 23 mai 2004, l'incompétence du tribunal correctionnel, Me Zoubir Soudani a remis un autre mémoire lors des plaidoiries dans lequel l'accent a été mis sur la qualification légale des faits : utilisation de deux voitures comme moyens de transport, auteurs de l'enlèvement et de la séquestration (quatre personnes) et dispositions de l'article 291 qui prévoient une peine de réclusion de 5 à 10 années. Quant aux excuses et autres circonstances atténuantes, elles sont exclusivement de la compétence du tribunal criminel. Il n'appartient pas au juge d'instruction d'apprécier les circonstances atténuantes pour « correctionnaliser » les faits. Tout cela pour dire que l'élément légal impose de renvoyer cette affaire devant le tribunal criminel. Il appartient à présent à la chambre d'accusation de formaliser le dossier dans sa forme criminelle et de prononcer le renvoi devant le tribunal criminel. Un fait à relever : les avocats des inculpés ont tenté de perturber la plaidoirie de Me Soudani Zoubir en l'interrompant à plusieurs reprises, cherchant peut-être un incident.