Le centre-ville de Annaba, où il faisait naguère bon de déambuler allègrement à la recherche du calme et de la fraîcheur au cours de la Révolution, voit sa renommée fortement altérée, par sa transformation en une esplanade commerciale, gérée par l'informel. En effet, le centre névralgique de Annaba, s'étendant du cours de la Révolution vers la place du marché d'El-Hattab, et de cet important point de chute de l'ensemble des habitants des localités de la wilaya et celles limitrophes, vers la gare routière centrale de Sidi-Brahim, tout cet espace est squatté par le commerce informel. Certaines artères sont depuis longtemps, occupées par une escouade de commerçants qui exposant à même le sol, ont envahi les trottoirs, voire même une partie de la chaussée, interdisant ainsi la circulation de véhicules le long de ces voies urbaines, et imposant aux passants des couloirs de passages, avec ligne continue qu'il ne faut surtout pas transgresser ou franchir. Les cargaisons de conteneurs de plusieurs bateaux sont étalées sur la place publique, à telle enseigne que la cité annabie s'est transformée en une immense braderie à ciel ouvert, que canalise une “armée” de jeunes “affectés” à l'exploitation de ce créneau, au profit des barons du bisness qui ne jurent que par l'euro et le dollar, qui respirent la devise et ne s'abreuvent que de gain facile. Leur leitmotiv est la spéculation à outrance et l'exploitation de commerçants en herbe, dont il faut prendre garde à ne pas trop marchander sur la qualité et le prix, car la réaction peut être imprévisible, soudaine, et dans des cas, foudroyante. Le long du cour de la Révolution, les maîtres-sorbiers et glaciers voient l'entrée d'un nouveau type de commerce, dont la présence fait fondre leur crème glacée comme neige au soleil. Des braseros occupent cet espace de convivialité, en proposant des pains de maïs grillé. On ne peut siroter un rafraîchissant, ni déguster une coupe de glace sans respirer les relents dégagés par les grills, ni déambuler sans le risque de glisser sur les restes des grignotages, qui jonchent le sol. En fin de journée, une fois “les rideaux baissés” de cet immense chapiteau à ciel ouvert, intervient alors le service de la voirie municipale, pour nettoyer les places et les artères, des détritus jonchant le sol et obstruant la circulation tant piétonne que routière. La partie n'est pas de tout repos, car il s'agit de “nettoyer les écuries d'Augias”. Les éboueurs, savent pertinemment qu'ils sont condamnés comme Sisyphe, surtout que leur action d'assainissement du cadre urbain de la ville ne répond plus aux traitements de par le passé, mais exige des efforts supplémentaires, et un “modus operandi” en adéquation avec ce nouveau paysage qu'est le commerce informel, dont les tentacules s'étendent à l'infini, cependant, lui-même victime de la voracité, la prédation et la cupidité des barons du conteneur. Et la question qui s'impose : comment parvient-on à introduire une telle masse de produits, gigantesque qui a submergé tel un tsunami, nos villes et villages ? Cependant, cette concentration de marchands de l'informel, représente une véritable poudrière, car à la moindre étincelle, cette présence en force qui occupe la rue, peut s'embraser et se transformer en une torche, qui s'avérerait difficile à circonscrire. Mais il convient de souligner que les situations précaires vécues par la Tunisie et la Libye, ont fait charrier de leur destination finale des cargaisons de tous produits confondus, déversés, absorbés par la place publique et écoulés au rabais. Une manière de soutenir le pouvoir d'achat des citoyens ? Nous sommes, effectivement face à un imbroglio, un enchevêtrement, allant de l'informel à l'envahissement des places publiques, rues, ruelles et trottoirs, à la présence en force d'une masse de jeunes rassemblés sous un chapiteau à ciel ouvert, à la constante alerte des pontes de l'exercice du marché “hors cadre”, à l'agression de l'environnement des riverains, au travail d'usure auquel sont astreints les services de voirie.