L'Algérie doit accueillir le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui sera reçu par le président Bouteflika, le Premier ministre Ahmed Ouyahia et, bien sûr, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Cette première visite à Alger de M. Juppé, depuis son retour au Quai d'Orsay, prendra 24 heures. “C'est une visite importante pour deux pays partenaires depuis si longtemps ; deux acteurs du sud et du nord de la Méditerranée ; importante aussi parce que nous avons avec nos partenaires algériens toute une longue série de sujets politiques et diplomatiques à aborder”, a affirmé le porte-parole de la diplomatie française Bernard Valéro. Le projet d'un échange de visites a été évoqué il y a presque deux mois par M. Medelci. C'était au début d'un nouvel accès de fièvre provoqué par la situation en Libye. La rébellion s'était alors employée à répandre des amabilités contre l'Algérie, accusée de soutenir le régime finissant de Kadhafi, en envoyant des mercenaires pour combattre avec ses troupes. Comme la France a été le fer de lance de la “croisade” anti-Kadhafi, cela a suscité des remous. Surtout que les déclarations des officiels algériens n'ont pas toujours été d'une grande clarté. “L'implication d'étrangers dans des actions criminelles contre la population civile serait grave et en contradiction avec les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité”, observait alors M. Valéro, avant une explication au téléphone entre MM. Juppé et Medelci. “J'ai eu un entretien très cordial avec mon homologue. Je lui ai dit : voilà, il y a des informations qui circulent selon lesquelles Kadhafi aurait reçu plusieurs centaines de véhicules armés et transportant des munitions en provenance d'Algérie. Je lui ai posé la question et il m'a assuré que (...) ce n'était pas vrai”, avait rapporté M. Juppé. Dans un communiqué, diffusé un peu plus tôt par l'APS, le ministère algérien des Affaires étrangères ne mentionne pas cet aspect de la conversation, annonçant que le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, “s'est entretenu par téléphone avec son homologue français, Alain Juppé”. L'entretien a porté sur “l'état et les perspectives de développement des relations bilatérales algéro-françaises ainsi que sur la situation qui prévaut au niveau de la région du Maghreb”, ajoute le communiqué. Le 22 avril, dans une émission spéciale à la chaîne III, M. Medelci assurait que les problèmes entre la France et l'Algérie sont “réglés” et qu'“il n'y a pas de tension entre les deux pays”. “Nous avons beaucoup d'intérêts communs. Nous avons sur certaines situations internationales ou régionales des approches qui sont différentes, mais je considère que l'Algérie et la France n'ont pas aujourd'hui de relations tendues”, selon le chef de la diplomatie algérienne. Les deux pays “sont en train d'aller de l'avant” et d'examiner les moyens de “travailler mieux ensemble”, s'était réjoui M. Medelci. “Ce que nous souhaitons, c'est qu'à la faveur de la conjoncture très favorable que traverse le pays, nous puissions donner un plus à la relation algéro-française, particulièrement dans le domaine de l'industrie”, avait-il plaidé. Sur le cas de la Libye, il y a une inflexion manifeste de la position algérienne depuis le dernier sommet du G8 auquel le président Bouteflika était invité. Depuis, des instructions ont été données pour le gel des avoirs financiers de Kadhafi en Algérie où l'on n'évoque plus la solution d'un cessez-le-feu suggérée par l'Union africaine. Un éventuel exil de Kadhafi sera-t-il évoqué alors que la Turquie vient d'offrir une “garantie” au colonel. En Algérie, le chaos libyen a surtout suscité la crainte d'une recrudescence des attaques terroristes, la jamahiriya étant devenue une caserne à ciel ouvert, selon l'expression d'un ministre. Cela a conduit l'Algérie à renforcer la sécurité à ses frontières et à plaider pour une coopération accrue avec les pays du Sahel. Si le malentendu sur la Libye est levé, les divergences entre Paris et Alger persistent sur le Sahara occidental, la France s'étant rangée du côté du Maroc allant jusqu'à faire obstruction à une solution internationale au Conseil de sécurité. Sans attendre la fin de sa visite à Alger, M. Juppé peut se flatter d'avoir réussi là où son prédécesseur a échoué. Pourtant, il arrive avec un certain passif. Au Quai d'Orsay, au début des années 1990, il était persuadé d'une prise de pouvoir par les islamistes, selon Charles Pasqua qui fut son collègue de l'Intérieur. C'était le moment le plus difficile de la relation bilatérale.