L'ouverture, la semaine prochaine, du procès de Ben Ali à Tunis ne suscite pas l'enthousiasme des acteurs de la révolution du Jasmin, pas même du tunisien lambda. Les autorités post-Ben Ali, de transition, ont, disent-ils, sous la pression de la rue, décidé d'ouvrir la semaine prochaine le procès de l'ex-président en son absence. Le procès commencera le 20 juin, avait annoncé le Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi, indiquant que la Tunisie n´avait jamais reçu de réponse des autorités saoudiennes à sa demande de lui remettre Ben Ali qui vit en exil dans le royaume saoudien depuis le 14 janvier, après un mois de soulèvement. Un procès devant un box vide ne suscite pas l'enthousiasme ni chez les militants tunisiens des droits de l'homme ni chez les populations qui souhaitent voir se dérouler le jugement du tyran, qui les a oppressés d'une main de fer et mis à sac leur pays pendant 23 ans, en sa présence. Pour sa défense, le roi d'Arabie Saoudite avait évoqué une règle islamique selon laquelle et, selon lui, La Mecque est une terre d'asile pour tous les musulmans ! Une explication qui a permis au royaume saoudien de devenir un havre de quiétude pour de nombreux dictateurs musulmans. Tôt ou tard, cette question devra trouver d'autres réponses car, au rythme du printemps arabe, les candidats à l'exil saoudien seront certainement plus nombreux. Un second président est, par ailleurs, dans ce pays wahhabite. Le président du Yémen, un dictateur-sanguinaire, au pouvoir depuis 33 ans, est hospitalisé à Riyad, après avoir miraculeusement échappé à une attaque de son opposition et tout porte à penser qu'il ne retournera plus dans son pays. Ses hôtes saoudiens ont repris leur médiation au Yémen où les acteurs du printemps yéménite ne sont pas du tout disposés à lâcher prise, maintenant qu'ils sont sur le point de gagner définitivement. Pour revenir au procès de Ben Ali, à Tunis, ce n'est pas la liesse car, pour de nombreux Tunisiens, c'est un non-évènement, voire “une fumisterie”, selon l'expression du journaliste Taoufik Ben Brik, opposant acharné de Ben Ali. Nombreux sont ceux qui partagent son scepticisme et qui se disent convaincus que les autorités de transition font tout pour ne pas faire un véritable procès. “C´est un effet d´annonce pour manipuler l´opinion”, à la veille de la Constituante, affirment des ex-opposants rompus aux jeux et enjeux de la Tunisie post-Ben Ali. Pour lui, Ben Brik, les autorités tunisiennes auraient mieux fait de s´en prendre d'abord aux membres ou partisans du régime déchu encore en Tunisie. “Ça ne va pas être le procès qu´on aurait souhaité pour Ben Ali. Il est responsable de milliers de cas de torture, de centaines de morts. Sa famille a pillé le pays. Comment va-t-on pouvoir le juger s´il n´est pas là ?”, demande, de son côté, Radhia Nasraoui, militante des droits de l´homme. Le ministère de la Justice avait indiqué, début juin, que le président déchu, ainsi que son épouse Leïla Trabelsi seraient jugés pour deux premières affaires sur les 93 qui leur sont imputées au total. Un premier dossier porte sur la découverte d´armes et de drogue dans le palais présidentiel de Carthage, le deuxième sur la découverte de 27 millions de dollars en liquides dans un palais de Ben Ali à Sidi Bou Saïd, dans la banlieue nord de Tunis. Sont visés par les enquêtes le couple Ben Ali, sa famille et d´anciens ministres et responsables du régime déchu. Les accusations concernent des cas d´homicide volontaire, d´abus de pouvoir, de trafic de pièces archéologiques ou de blanchiment d´argent. Il reste que ce procès est une première dans le monde arabe. Ça sera le premier chef d'Etat arabe à être déféré devant la justice. Quelques jours après l'ouverture de ce procès de Tunis, Le Caire ouvrira celui de Moubarak, l'ex-pharaon de l'Egypte, la deuxième victime des révoltes arabes. Les régimes encore en place tireront-ils les leçons de leurs pairs sous le grill de leur propre justice ?