Entre l'Algérie et la France, dont le vent des relations a constamment soufflé le chaud et le froid, il ne devrait plus y avoir de questions qui fâchent. À en croire les propos tenus, jeudi, par les chefs de la diplomatie des deux pays, les vives tensions qui ont presque toujours marqué les relations algéro-françaises, sont appelées, désormais, à disparaître et laisser place à une nouvelle lune de miel ! Ainsi, ni le contentieux historique, ni la situation régionale dont la crise de Libye et celle du Sahel notamment, et encore moins le conflit du Sahara occidental qui “divise” l'Algérie et le Maroc, “ne doivent constituer des dossiers qui fâchent” entre les deux pays, ennemis d'hier. La sentence est du ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes de la France, Alain Juppé qui s'est exprimé jeudi dernier à Alger, au cours d'une conférence conjointement animée avec son hôte et homologue algérien, Mourad Medelci. Ce dernier semblait presque consentir le discours de M. Juppé, en visite diplomatique d'à-peine une nuitée, puisque M. Medelci n'a, à aucun moment, contesté ou contredit les propos tenus par son homologue français à cette occasion. Pas de dossiers qui fâchent À commencer par le passé qui poursuit encore les deux pays, le chef de la diplomatie française soutient qu'il est temps de “sortir du ressassement éternel” des questions relevant du passé qui ont entaché les relations des deux pays. D'ailleurs dès son arrivée mardi soir à Alger, l'“envoyé spécial” du Quai d'Orsay avait prévenu qu'il n'était pas venu pour parler du passé, sinon du présent et du futur des relations de son pays avec l'Algérie. Selon lui, l'Algérie et la France amorcent une “période particulière d'embellie”, après avoir eu à surmonter leurs différends. “Certes, nous avons eu, parfois, à surmonter des différends, mais aujourd'hui, nous nous attelons à consolider et à raffermir nos relations et aboutir à des accords outre ceux déjà signés, notamment en 2007, entre les deux pays. Ceci à même de conforter notre coopération économique”, a déclaré M. Juppé. Entre autres accords, M. Juppé évoquera notamment l'accord sur le nucléaire civil passé entre la France et l'Algérie et la mise sur pied d'un groupe de travail pour sa concrétisation, ainsi que le transfert de technologie et le rôle des PME. Au sujet des essais nucléaires effectués par la France dans le Sahara algérien, il a rappelé l'existence d'un groupe de travail “qui fait son chemin” dans le but de dresser un constat, alors qu'une convention est prévue entres les deux parties, pour “la décontamination des espaces irradiés”. Pas un mot sur l'indemnisation des victimes de ces essais nucléaires ! En attendant les archives, pas de repentance ! à propos de l'énigmatique question des archives de le la guerre de Libération, M. Juppé a fait savoir que les gouvernements des deux pays se sont mis d'accord sur la “constitution d'un groupe de travail” qui sera chargé d'étudier ce dossier, sans donner de plus amples détails. Cependant, le diplomate français se démarque de toute idée de repentance de son pays pour ses crimes commis contre le peuple algérien durant la période coloniale. Comme pour mettre un terme définitif à cette question, M. Juppé a déclaré que “nous n'allons pas ressasser indéfiniment” cette période de l'Histoire. Ceci, avant d'asséner : “Ces débats ne sont engagés que chez vous !” Tentant de rectifier le tir, M. Juppé se réfère toutefois à son président, Nicolas Sarkozy, qui reconnaît, à juste titre, “le caractère injuste” du colonialisme. À ce propos, le chef de la diplomatie algérienne n'a soufflé le moindre mot. M. Medelci s'est plutôt focalisé sur la relation bilatérale qui lie l'Algérie à la France, laquelle relation, juge-t-il, a connu “des avancées considérables depuis 2007”. Rappelant que la visite de son homologue français à Alger, s'inscrivant dans le cadre de l'accord quinquennal 2007-2012, est une occasion pour les deux parties, de “revisiter la situation des grands accords de partenariat”, M. Medelci a mis l'accent sur la nécessité de “consolider et raffermir” la relation bilatérale entre les pays, et “faire partir une nouvelle dynamique d'ensemble”. Libye : le conflit de trop ! Abordant les questions internationales, M. Medelci a, de prime abord, souligné l'existence de “beaucoup de convergences” entre l'Algérie et la France. Y compris concernant la crise libyenne, ce conflit de trop ? Pour M. Medelci, la crise libyenne “ne peut se régler qu'à travers la solution politique”, soulignant que la position algérienne est une position “collective” découlant des positions de la Ligue arabe et de l'Union africaine (UA). “Par conséquent, ce sera une position collective que l'Algérie adoptera lorsqu'il s'agira de reconnaître le Conseil national libyen de transition (CNT)”, a-t-il ajouté. Rejetant en bloc l'existence de pressions, le chef de la diplomatie algérienne écarte, par ailleurs, la possibilité d'expulser l'ambassadeur libyen à Alger, tant que, dit-il, “ce pays est membre de l'ONU et Tripoli est toujours sa capitale, et où l'Algérie dispose aussi d'une ambassade”. Ainsi, explique-t-il encore, les relations de l'Algérie avec la Libye étaient conformes aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Une position pas très claire que le chef de la diplomatie française semble partiellement approuver, tant que lui ne jure que par le départ de Kadhafi, non sans souligner les “relations très étroites” de la France avec le Conseil national de transition (CNT). Ceci, quand bien même, a-t-il concédé, que la solution “militaire n'est pas une fin en soi”, et que la France est aussi pour “une solution politique”. M. Juppé se réjouit de l'“attachement” de l'Algérie aux résolutions du Conseil de sécurité, qu'il aurait esquissé au cours de ses entrevues respectivement avec le président Bouteflika, et le Premier ministre Ouyahia. Pour M. Juppé, l'intervention militaire française en Libye se justifie et prend bien sa place dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'Onu, visant, selon lui, “non seulement à imposer une zone d'exclusion aérienne mais aussi la protection des populations civiles”. La crise dans les pays du Sahel et le conflit du Sahara occidental ne préoccupent pas moins le chef de la diplomatie française, qui ne manque pas de “féliciter” Alger pour sa collaboration militaire dans cette région pour combattre le terrorisme. Cette position est presque parfaitement partagée par M. Medelci qui souligne que la coopération algéro-française est étroite et “bien assise”, pour faire face à la situation dans cette région. À propos du Sahara occidental, M. Juppé estime que cette question “n'est pas de nature à nuire aux relations entre le Maroc et l'Algérie”, rappelant la position de son pays de “soutien au processus des Nations unies”.