C'est avant-hier qu'a démarré le programme littéraire du Festival international de la littérature et du livre de jeunesse. Parmi les nombreuses activités, le concept Auteurs en dialogue, qui met deux auteurs (un algérien et un étranger), face à face. Cette confrontation qui permet de croiser les expériences, offre aux auteurs la possibilité de se dévoiler, de dire leurs rapports au monde, à l'écriture. Et c'est par la poésie que tout commence, car le rendez-vous de Auteurs en dialogue a été inauguré par deux poètes : Qassim Haddad (Bahreïn) et Hakim Miloud (Algérie). Le premier est un des plus grands et des plus importants poètes contemporains ; le second est un jeune poète qui se montre sans concessions et inscrit son œuvre dans la modernité, n'hésitant pas à emprunter à d'autres genres artistiques. La rencontre commence par la relation des poètes à l'imagination. Elle est décrite comme étant la source principale de la création puisqu'elle permet de façonner le réel et de le transformer en mots. “L'auteur écrit contre l'idée de la disparition”, déclare Hakim Miloud qui pense que l'écriture est une manière de rester en vie, de “feinter” la mort, de se dérober et de se rebeller contre le destin de tous les êtres humains, qui est la mort, la disparition. Puis la relation auteur/ lecteur a été abordée. Pour Qassim Haddad, “c'est une erreur de demander au lecteur de comprendre un texte poétique. Moi, je préfère l'émotion c'est-à-dire que j'ai conscience que le travail artistique est le résultat d'un sentiment, d'une grande émotion, et donc ça ne m'étonne pas qu'un lecteur ne comprenne pas toujours ce que je dis”. Et de signaler : “Parfois, lorsque je relis quelques-uns de mes textes, moi-même je ne comprends pas. Le lecteur est spontané et on doit respecter cela en lui. Et d'ailleurs, c'est le lecteur lui-même qui, par sa lecture redonne vie au texte”. La relation entre les arts plastiques et la poésie a été posée comme une problématique, et les deux poètes ont évoqué durant leurs échanges avec l'assistance, l'inexistence d'un échange entre les artistes appartenant à différentes disciplines. Ils ont appuyé le fait que les artistes se désintéressent des disciplines autres que celles qu'ils pratiquent, alors “que l'art ne peut pas se suffire à lui-même et à besoin des autres arts”, souligne Qassim Haddad. Il a également été question de la technique dans son sens aristotélicien, mais aussi dans son sens moderne, c'est-à-dire comme quelque chose qui annihile la création, et tue l'imagination. “La technique moderne est le résultat de la modernité”, affirme M. Miloud, qui a été repris par M. Haddad lequel a évoqué le cas dans le cinéma de Charlie Chaplin qui critiquait dans un de ses films la modernité et l'industrie, et qui utilisait un des moyens les plus modernes de l'époque, à savoir le cinéma. Qassim Haddad a, en outre, soutenu que “lorsqu'on parle de création, il ne faut pas douter de l'honnêteté intellectuelle de l'artiste, et ne pas séparer la forme et le contenu”, car il faut trouver des outils pour se rendre compte “de nos nouvelles expériences”, et de ne pas dénigrer le travail des artistes. “Lorsque je parle d'El-Mouttanabi, je dis que je n'aime pas tel poème ou tel style mais je ne dis pas que c'est un mauvais poète et que ce qu'il écrit n'est pas de la poésie”, explique le poète bahreïni. Actualité oblige : la question des révolutions arabes a été abordée. Comment les poètes arabes ont-ils rendu compte des révolutions ? À ce propos, Qassim Haddad dira que “le travail artistique a besoin de temps, il faut prendre de la distance sur l'évènement”. Par ailleurs, la fonction de l'art a été posée aux deux poètes et M. Haddad n'a pas caché sa crainte et son inquiétude quant à cette question, qui est une sorte de “nihilisme” pour lui, puisqu'il écrit “pour arriver et communiquer avec un autre que moi”, dans une optique “d'échange, de partage et d'amour”.