L'incapacité des pays pétrodollars à redonner au monde musulman un lustre, la faillite de leurs dirigeants et les bouleversements provoqués par le terrorisme (qui s'est alimenté dans le wahhabisme saoudien) ont laissé un espace vacant pour les asiatiques au sein de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), qui revient en Asie après le sommet de Pakistan en 1974. La rencontre en Malaisie marque ainsi le recul des poids-lourds du Moyen et Proche-Orient, mettant un terme à la conviction selon laquelle le monde arabe est le cœur de l'Islam. C'est en Asie du Sud-Est que se trouvent à la fois le pays musulman le plus peuplé de la planète, l'Indonésie, et le plus développé économiquement, la Malaisie. Cependant, l'Islam du sud-est asiatique est lui aussi travaillé par des courants radicaux qui ont totalement dénaturé l'image idyllique et parfois même exotique qu'il a véhiculée. Les pays musulmans d'Asie, confrontés à un activisme islamiste, ont été secoués par plusieurs attentats terroristes dont le plus spectaculaire est celui de Bali, perpétré par le réseau régional Jamia Islamia l'an passé (202 morts). Les dirigeants de ces pays minimisent la portée de leurs radicaux, soulignant la singularité de leur Islam qui serait tolérant, modéré et moderne. Selon eux, l'islam politique ne rallie que 1% des musulmans d'Asie du sud-est ! C'est ce qu'ont dit avant eux les dirigeants arabes et, jusqu'à il y a peu, l'Arabie Saoudite rattrapée violemment par son wahhabisme, qui ne fait plus figure de leader charismatique en matière d'Islam. C'est déjà ça de gagner. Le pakistanais Perez Musharraf a beau se dédouaner, il reste que c'est dans son pays qu'est née le talibanisme et Al-Qaïda, la toile mondiale de l'islamisme. La Malaisie est citée comme le pays qui a réussi la synthèse entre Islam et modernité. C'est à voir avec les nombreux leaders islamistes réfugiés chez elle pour affairisme, mais qui n'ont jamais abdiqué. Kuala Lumpur pourrait d'ailleurs devenir la nouvelle Mecque de l'islamisme. Le Premier ministre malaysien Mahathir Mohamad, qui quittera le pouvoir à la fin du mois, tiens des discours qui, a priori, encouragent cette évolution. Lui-même se glorifie d'être un islamiste fondamentaliste. Accusant l'Occident de vouloir soumettre les musulmans à ses lois, sous prétexte de guerre contre le terrorisme, Mahathir a déjà appelé les pays frères à porter la peur dans le cœur de leurs ennemis ; la Malaisie, selon lui, est prête à faire bénéficier de son expérience les autres pays musulmans, sous-entendre, jouer un rôle de leadership dans le monde musulman. Ce que ne dit pas Mahathir : les malaysiens non musulmans commencent à ne pas se sentir en sécurité. Les exemples de minorités chinoises pourchassées dans les Philippines et en Indénosie sont encore frais dans leur mémoire. Contrairement à l'hôte du 10e Sommet de l'OCI, des présidents comme Musharraf (Pakistan) et Karzaï (Afghanistan) ont réclamé une meilleure coopération des Etats musulmans contre l'extrémisme et le terrorisme. En réalité, l'OCI n'est qu'un grand machin symbolique dont le secrétariat général est basé en Arabie Saoudite. Quoi que dise ce rassemblement de 57 pays, les caméras sont d'ores et déjà braquées sur la visite que va effectuer à partir de la semaine prochaine Bush dans ces pays musulmans d'Asie du sud-est. Dans son agenda, ne figure que lutte antiterrosite. D. B.