La série de reportages diffusée lundi soir sur la chaîne France 2, consacrée aux sectes en France et en Europe, pose un sérieux problème. Il ne concerne pas les autres seulement. Certaines sectes, de sinistre mémoire, ont marqué l'actualité criminelle aux quatre coins du monde par des massacres de grande ampleur et des suicides collectifs. Dans ce désordre mondial, la part de déviance en terre d'Islam a été le wahhabisme et son annexe doctrinale ultra-rigoriste, le salafisme, dont le début de carrière est apparu au fin fond de l'Arabie centrale à l'époque ottomane vers 1750. La Secte des assassins, du mot « assas » et « assassiyine » (fondement et fondamentaliste et non haschich comme l'affirme le Larousse) a défrayé la chronique en Orient en tant qu'organisation terroriste marginale. Ce n'est pas le cas pour le wahhabisme qui étend son emprise progressivement et durablement sur toutes les communautés musulmanes par tous les moyens de a subversion. On relève curieusement un mystère concernant cette doctrine hérétique qui désavoue l'autorité des Etats et apparaît de toute évidence comme la plus grave menace contre notre sécurité. Pourquoi n'a-t-elle pas encore décroché le label de secte, y compris en Europe occidentale ? Pourquoi les médias emboîtent-ils le pas aux politiques pour s'enliser dans une terminologie manifestement inadaptée ? Enfin, question essentielle, pourquoi cette problématique sectaire traverse nos champs politique, religieux, culturel et social avec des désastres évidents sans réaction adaptée ? Et pourquoi ce risque majeur n'est pas évalué à la mesure de sa dangerosité ? Le saccage des lieux sacrés Comme toutes les hérésies, le wahhabisme se voulait à l'origine un paisible mouvement religieux, initié par Ibn Abdelwahhab, chef religieux d'inspiration hambaliste, pour un retour aux sources proposant une marche arrière de onze siècles vers l'époque des quatre premiers califes. Ayant pris le pouvoir en Arabie, devenue « Saoudite », par alliance avec la famille Saoud, les wahhabites ont entrepris de faire le ménage dans la grande maison de l'Islam, considérée comme impure. Ils commencent leur carrière religieuse et politique par un sacrilège en profanant les sépultures de tous les membres de la famille du Prophète. Les tombes de Khadidja, sa première épouse, de son oncle, Abou Talib et ses petits-enfants, El Hassan et Hussein, seront saccagées et leurs traces effacées. Même le sanctuaire du Prophète est profané. Ils s'emparent, en effet, du trésor entreposé dans la Chambre sacrée de Médine. Or et pierres précieuses, offerts par les pèlerins durant des siècles, iront vers une destination inconnue. Probablement une banque occidentale. Et c'est la secte wahhabite qui va interdire l'accès à l'Arabie à toute personne non musulmane. Une décision que ni le Prophète ni les quatre califes rachidiens n'ont jamais envisagée. Les pétrodollars aidant, le wahhabisme n'est plus un simple courant marginal confiné à l'Arabie. Il devient « l'Islam majoritaire », selon l'analyse du Pr Hamadi Redissi de l'Institut d'études politiques de Tunis, auteur d'un ouvrage sur la question : Le Pacte du Nejd, Le Seuil, 2007. Désormais, cette organisation tisse sa toile sur toutes les communautés musulmanes, y compris dans les pays d'accueil en Occident, grâce à des moyens matériels colossaux, notamment une stratégie de communication agressive, le déploiement d'un maillage de chaînes TV par satellite, des prêches diffusés à l'échelle mondiale sur des supports numériques, des livres généreusement donnés à qui veut lire. Les objectifs de cette secte ne font aucun mystère. Matrice idéologique du terrorisme, elle projette la soumission totale à sa doctrine en vue d'un contrôle absolu de l'Islam sur un modèle stalinien. Et pourtant, mystérieusement, on hésite à poser les mots qu'il faut au sujet de ce chancre qui ronge nos sociétés. Cette réserve est étonnamment bien observée là où l'on s'y attend le moins, à savoir les pays de l'Union européenne. En effet, l'UE est l'exception des (UE) espaces géopolitiques à se doter de moyens légaux de lutte contre la prolifération des organisations secrètes à caractère pseudoreligieux. Même si le terme « éradication » n'est plus d'actualité. Halal et Haram Partout dans le monde, le même désastre se décline sous forme d'une allégeance massive des jeunes gens. Les courtiers du wahhabisme ne lésinent pas sur la manipulation psychologique. La recette est toujours la même : un dosage massif pour les angoisses de la mort, un décor apocalyptique pour le jour du jugement dernier, des tortionnaires missionnés par des divinités malveillantes qui attendent de pied ferme tous les insoumis qui ne satisfont pas aux critères de la secte. L'état des lieux ne laisse aucun doute sur la gravité malfaisante d'une idéologie de destruction des esprits. Bien plus audacieux que toutes les sectes judéo-chrétiennes et les modestes gourous asiatiques, le wahhabisme ose une vision plus mondialiste des choses. Il entreprend un prosélytisme à une échelle gigantesque. Des bourses d'études sont offertes aux plus méritants. Il s'est doté d'une notoriété religieuse parfois indiscutable, puisque son message est surqualifié par le fait même qu'il nous parvient des Lieux Saints de l'Islam. Il est diffusé par les moyens modernes de communication et un réseau de satellites qui traduisent bien les audaces d'une entreprise politique supranationale avec l'appui tactique et technique des grandes puissances complices. Les adeptes du wahhabisme ne font pas mystère de leur appartenance avec leurs accoutrements vestimentaires et les signes visibles de dévotion pour se démarquer de tous les « mauvais » musulmans. Aussi bien au Maghreb qu'en Europe, ils terrorisent les jeunes avec des hadiths mensongers. Ils font dire au Prophète tout et n'importe quoi, pour affirmer l'emprise sur des adolescents souvent fragiles et mal préparés. Ils obligent un nouveau comportement fondé sur la bipolarité halal-haram et des réflexions simplistes sur les sciences modernes avec une approche importée des universités les plus conservatrices de l'Alabama, aux USA, interdisant notamment les théories de Darwin sur l'évolution des espèces. Cette révolution à l'envers veut faire admettre l'idée que la gestion du temporel est un domaine qui ne concerne pas les « bons » musulmans. Un bon musulman devrait dormir, faire du commerce, prier et montrer son auréole frontale comme signe de distinction. La mort et le voyage dans l'au-delà ont la priorité sur la vie. Une vision des choses fondée sur de vieilles croyances de l'Egypte pharaonique et d'inquisition catholique du Moyen-âge qui veut consacrer l'hégémonie de l'Occident. Il nous suffit d'être passifs et d'attendre le paradis ou l'enfer.