Depuis les attentats du 11 septembre 2001 où il s'est avéré que sur les 19 pirates de l'air, 15 étaient des ressortissants saoudiens, les Etats-Unis ont donné l'impression de vouloir exercer sur le royaume des Ibn Saoud d'Arabie, leur allié dans la région du Golfe, pour l'amener à une certaine ouverture démocratique. D'ailleurs, dans son dernier discours sur l'état de l'Union prononcé devant le Sénat, George W. Bush a une fois de plus insisté pour que le « gouvernement d'Arabie puisse montrer son leadership dans la région en accroissant le rôle de son peuple dans la définition de son avenir ». Et c'est dans ce contexte international que Riyad a été amené à accepter le principe de l'organisation d'élections municipales dans certaines provinces du pays resté fermé à la moindre concession démocratique dans le fonctionnement des institutions du royaume. Un royaume qui est, faut-il le rappeler, le seul au monde à porter le nom de la dynastie qui le dirige officiellement depuis 1926. Cette année-là, Abdelaziz Ibn Saoud devenait roi du Hedjaz après avoir pris La Mecque. Il s'entourait pour la circonstance d'un majliss composé de cinquante membres, tous issus du clan des Ibn Saoud et qui seront autant de princes. Une dynastie allait alors régner sur toute l'Arabie à partir de 1932, une dynastie qui puise sa force non seulement dans le clan, qui compte aujourd'hui plus de 4000 princes, tous descendants de Abdelaziz Ibn Abderrahmane Al Fayçal Al Saoud, son fondateur, mais aussi sur la conception la plus rigoriste et la plus rétrograde de l'Islam incarnée par le wahhabisme. Ce courant reposant sur une approche salafiste de l'interprétation du Coran allait d'ailleurs donner un caractère particulier à la société saoudienne et l'ensemble de cette pétromonarchie qui cherchera très tôt des appuis auprès des Occidentaux, d'abord auprès des Britanniques puis, à partir de 1945, auprès des Américains envers lesquels elle s'engagera en vertu du pacte du Quincy à assurer les approvisionnements énergétiques des Etats-Unis. Forts de ces appuis et surtout des pétrodollars, les descendants des Ibn Saoud continueront de diriger l'Arabie par le sabre et le Coran et se lanceront, à partir des années 1950, dans un prosélytisme effréné en direction des pays arabes et musulmans et envers les communautés musulmanes vivant dans les pays occidentaux. A l'intérieur du royaume, aucune opposition ne sera tolérée et la société dans son ensemble encadrée et contrôlée par les « moutawi'ine », de véritables brigades des mœurs wahhabistes. C'est ainsi que peu de temps après la « révolution islamique » en Iran, une rébellion armée menée par quelques centaines d'hommes a pris d'assaut la grande mosquée de La Mecque en novembre 1979 et fut immédiatement réprimée dans le sang. Dès lors, toute opposition ne pouvait que se manifester à l'étranger comme ce fut le cas plusieurs fois à l'occasion, notamment, des deux guerres du Golfe au cours desquelles les Américains et les Occidentaux ont utilisé le territoire saoudien pour mener des offensives contre l'Irak. Quant au prosélytisme wahhabite, on sait ce qu'il a engendré à partir de la guerre d'Afghanistan en 1980 jusqu'à l'entrée des troupes américaines après les attentats du 11 septembre 2001, l'internationale intégriste armée n'est pas des moindres dont fait partie l'organisation terroriste d'Oussama Ben Laden... Mais tant que ces soubresauts insurrectionnels étaient confinés dans le temps, les autorités saoudiennes ont toujours cru qu'elles étaient à l'abri jusqu'à ce que le royaume soit secoué par une série d'attentats qui ont fait, depuis mai 2003, plus de 90 morts, une situation qui cache mal le fait qu'elles n'aient montré officiellement aucune gêne devant les propos américains, mais ont davantage souligné l'amitié qui lie le royaume aux Etats-Unis et en vertu de laquelle le Président américain, selon le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al Fayçal, aurait prodigué des conseils : « Les pays amis se conseillent mutuellement (...) » tout comme les Saoudiens conseilleraient les Etats-Unis « de changer de politique étrangère au Moyen-Orient ». Le chef de la diplomatie du royaume va plus loin puisqu'il ne pense pas que George W. Bush ait dit quelque chose qui blesse. « Il a formulé des espoirs et des aspirations et nous faisons de même. » Et c'est sans doute devant la montée de ces périls dans la péninsule arabe que Riyad a essayé de prendre les devants en tentant de se « dédouaner » vis-à-vis du terrorisme islamiste en organisant dernièrement le sommet contre le terrorisme.