L'Arabie Saoudite est le cœur de cet islamisme politique qui a basculé dans la violence terroriste. À l'origine de cette mutation terrifiante, le wahhabisme, qui a une interprétation rigoriste de l'Islam, qu'il utilise à des fins hégémoniques. Fahd, dont le règne coïncide avec la montée en puissance des pétrodollars et l'affaiblissement du communisme, se met entièrement au service des Etats-Unis, qui en feront le cheval de Troie pour porter le coup fatal au soviétisme et casser le nationalisme arabe lequel, en dépit de ses contradictions, travaillait pour l'émergence de sociétés modernes. Le processus, commencé en Afghanistan, essaime sur les terres d'Islam, même dans les banlieues occidentales qui renferment des communautés musulmanes, à l'image de ce Londonistan d'où sont partis les attentats de Londres. La propagation du phénomène s'est faite grâce aux aides et subventions gracieusement distribuées par des fondations et banques islamiques saoudiennes. Les pétrodollars corrompent tout le monde, à commencer par les régimes arabes contraints par la déferlante wahhabite à faire de la surenchère en matière de religion, cédant le terrain aux associations de réislamisation aux ordres de dignitaires saoudiens hostiles à toute évolution sociale. Comme dans l'histoire de l'arroseur arrosé, le régime saoudien finit, lui aussi, par être rattrapé par l'islamisme dont, pourtant, il a été le géniteur. Les dernières années du règne du roi Fahd ont été marquées par le défi sanglant lancé par Al-Qaïda, dont le fondateur Ben Laden est le fils d'un richissime proche des Al-Saoud. Malade, le souverain confie à son frère Abdallah le soin de diriger la répression contre ces islamistes extrémistes, qui ont déclenché le 12 mai 2003 la guerre contre la famille royale avec la destruction de trois complexes résidentiels à Riyad. L'Arabie est depuis frappée par des attentats, alors que les ressortissants occidentaux devenaient la cible d'attaques et de prises d'otages, avec pour point d'orgue la décapitation en juin 2004 d'un ingénieur américain. La traque par les forces de sécurité des partisans de Ben Laden, déchu de sa nationalité saoudienne dans les années 1990, allait devenir encore plus impitoyable. Mais les djihadistes n'ont pas pour autant abdiqué, rejetant, dans leur immense majorité, une offre royale d'amnistie qui ne produisit que six repentis ! Bien que les autorités soient engagées dans une lutte implacable, il n'est pas certain qu'elles puissent remporter la bataille sans que soit d'abord extirpée de la société l'idéologie du “takfir”, qui consiste à désigner les musulmans ne partageant pas le wahhabisme comme des infidèles, légitimant la violence à leur encontre. De plus, la poursuite de la violence en Irak où de nombreux Saoudiens participent au djihad contre l'occupant US n'augure rien de bon pour l'Arabie. L'implication de Riyad dans la guerre contre le terrorisme sous le panache de Bush a contribué à calmer Washington, qui avait été ulcéré de découvrir que 15 des 19 auteurs des attentats du 11 septembre 2001 étaient saoudiens. Bush a même mis un bémol à ses critiques contre la famille royale, qu'il avait accusée auparavant de laxisme à l'égard du terrorisme et de son idéologie. D. Bouatta