Frappé de plein fouet par le terrorisme islamiste, dont il avait constitué le levain, le wahhabisme consent enfin à se réformer. Ce n'est pas la révolution, mais, pour un régime aussi fermé, dans tous les sens du terme, c'est, pour ainsi dire, une avancée. Des élections municipales pour la première fois dans l'histoire de l'Arabie ! Même, très limitées, elles traduisent, au moins, que les Wahhabites ne sont plus plein de certitudes et d'arrogances quant à leur modèle ultra-conservateur qu'ils voulaient, par ailleurs, disséminer, à coup de pétrodollars, sur toutes les terres d'islam, et même ailleurs à partir de communautés musulmanes. Hostile à tout changement, les autorités de Ryadh sont, depuis quelques années, contestées par des franges de leur propre opinion : des réformateurs et surtout des islamistes qui reprochent à la famille royale ses accointances avec les Etats-Unis. Elles sont également soumises, depuis les attentats du 11 septembre 2001, à de fortes pressions américaines en faveur de réformes. Washington n'a cesse d'accuser le wahhabisme de favoriser l'extrémisme religieux et le terrorisme, avec preuves à l'appui. Dès 2003, le miroir saoudien se brise : une centaine d'intellectuels soumet au prince héritier, Abdallah ben Abdel Aziz, qui dirige de facto le royaume, une pétition réclamant des réformes, dont la séparation des pouvoirs et un Parlement élu. En mai, le roi Fahd s'engage à promouvoir des réformes politiques et sociales dans son pays, annonçant des élections municipales et même des ouvertures à l'emploi des femmes. Un mois plus tard, quelques dignitaires religieux s'associent aux intellectuels pour appeler à la liberté d'expression dans le royaume, à l'issue d'une conférence sur le dialogue national. Ce forum, sans précédent, rejette également l'extrémisme religieux. L'Arabie Saoudite était devenue le siège d'attentats perpétrés par le terrorisme islamiste. Et Al Qaïda est créée par Ben Laden, un Saoudien de la classe aisée, proche de la famille régnante. Ces attentats, de plus en plus meurtriers, ciblent pratiquement tous les symboles du pouvoir après s'être fixés exclusivement sur la présence étrangère, notamment les résidences et intérêts américains. À la fin 2003, une série de pétitions circulent dans le pays, des femmes se joignent à cette démarche. Une première dans l'histoire du pays, où femmes et hommes ne se rencontrent jamais en dehors de la sphère familiale. En décembre, un groupe d'opposition en exil, le Mouvement islamique pour la réforme en Arabie (Mira, basé à Londres) appelle à transformer le royaume en une monarchie constitutionnelle. Les autorités lancent alors une répression dure contre ce courant et tous ceux qui le contestent, les pétitionnaires sont arrêtés en mars 2004. Ils ne seront libérés qu'après un engagement à ne plus faire campagne pour des réformes. Dos au mur, Ryadh consent, tout de même, à organiser des élections, mais les membres des conseils municipaux et régionaux et du majlis al choura ne seront qu'à moitié élus ! Elles seront finalement reportées à février 2005, dès que le président américain s'est montré intransigeant en ce qui concerne les réformes. Le fameux GMO que les Saoudiens avaient pensé remis au placard grâce, entre autres, aux récriminations de la plupart des membres de la Ligue arabe, est remis sur le tapis par Bush, qui a décidé de mener, durant son second mandat, la guerre aux pouvoirs "tyranniques". Aux abois, le prince héritier Abdallah annonce la mise en route des réformes, précisant qu'elles se feront dans le respect de la charia'. En réalité, les Wahhabites ne veulent pas plus qu'un simple dépoussiérage, car ils sont persuadés que de véritables réformes risquent de les balayer, comme d'ailleurs pour la plupart des régimes arabo-musulmans. Les Wahhabites, en dépit de leur adhésion aux réformes, demeurent, par exemple, “misogynes”, en excluant les femmes du processus électoral. D. B.