Le souverain chérifien a saisi la célébration de la fête du Trône pour revenir à son sujet préféré : la réouverture des frontières terrestres avec l'Algérie, fermées depuis 1994. Le sujet lui tient tellement à cœur qu'il ne rate aucune occasion pour l'évoquer. Hier, le roi Mohammed VI a, enfin, admis que la thèse algérienne était juste, en affirmant que “le Maroc ne ménagera, donc, aucun effort pour développer ses relations bilatérales avec les pays de la région. à cet égard, nous prenons acte de l'évolution positive que connaissent les rencontres ministérielles et sectorielles en cours, convenues avec l'Algérie. Fidèle aux liens séculaires de fraternité qui unissent nos deux peuples et soucieux de répondre aux aspirations des générations montantes, nous tenons à l'amorce d'une nouvelle dynamique ouverte sur le règlement de tous les problèmes en suspens, en prélude à une normalisation totale des relations bilatérales entre nos deux pays frères, y compris la réouverture des frontières terrestres. Cette démarche exclut tout immobilisme ou ostracisme incompatible avec les liens de bon voisinage, l'impératif d'intégration maghrébine et avec les attentes de la communauté internationale et de notre espace régional”. Le roi du Maroc a, enfin, admis que les problèmes en suspens doivent être discutés et réglés, avant la réouverture des frontières terrestres. Il était temps ! Reste à savoir s'il a l'intention -- réelle -- d'y aller. Que ce soit pour la question des biens des Algériens au Maroc, ou pire encore, pour ce qui est de la drogue marocaine qui inonde le marché algérien, le roi ne semble pas avoir les coudées franches. Au risque de s'attirer les foudres des populations du Rif, qu'il craint tant, et qui vivent quasi exclusivement de la culture du cannabis, mais aussi des généraux qui contrôlent le juteux marché de la drogue, le souverain marocain est loin de pouvoir donner des gages de bonne foi à ses voisins algériens. La réouverture des frontières terrestres est devenue, chez lui, une obsession, croyant dur comme fer que l'argent des Algériens doit impérativement bénéficier aux populations de l'Est marocain et que les produits soutenus par le Trésor algérien doivent continuer à calmer la colère des Marocains. La question des frontières est perçue comme un échappatoire aux difficultés socioéconomiques du Maroc. Sinon, qu'est-ce qui empêche le Maroc de solliciter Naftal et de négocier des tarifs “fraternels” pour être alimenté en carburant ? Pourquoi vouloir continuer à honorer des contrats qui saignent les poches des Marocains, au profit des multinationales de la distribution de carburant, et s'entêter à développer la contrebande du carburant algérien ? Pourquoi les patients marocains sont-ils obligés d'aller à Oujda chercher les médicaments algériens, sachant qu'ils sont dix fois moins chers que chez eux ? Pour Alger, la position reste constante :“Pas de réouverture des frontières, avant le règlement des problèmes en suspens.” Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait, d'ailleurs, exclu toute réouverture immédiate de ces frontières, et même accusé le Maroc de distiller, via des ONG qui lui sont proches, de fausses informations relatives à une prétendue présence de mercenaires algériens aux côtés des troupes de Kadhafi, et un prétendu envoi d'armes au profit de ce dernier. Alger n'a pas oublié le rôle joué par le palais royal en pleine crise du début des années 1990. Lorsque Hassan II avait tout misé sur “le laboratoire algérien”, que ses palais étaient ouverts aux émirs sanguinaires du GIA, et lorsque Marrakech fut la cible d'un attentat terroriste et que le Makhzen a immédiatement accusé l'Algérie et décidé d'imposer des visas d'entrée aux Algériens, sans parler des expulsions inhumaines des milliers d'Algériens qui s'y trouvaient à ce moment-là. Oui, le roi Mohammed VI a de quoi se mordre les doigts. Car, en martelant son désir de voir les frontières terrestres réouvertes, il se fait violence, sachant pourquoi en est-on arrivé là. En fait, le roi du Maroc, même s'il a évité de lier la question des relations algéro-marocaines à l'inévitable question du Sahara Occidental, n'a pas manqué, dans son discours d'en faire allusion, en louant “l'initiative d'autonomie en tant que solution politique et définitive au conflit artificiel suscité autour de notre Sahara, solution qui doit être recherchée à travers une négociation responsable, animée par un esprit de consensus et de réalisme, dans le cadre des Nations unies et en collaboration avec son secrétaire général et l'envoyé spécial de celui-ci”. Avant d'ajouter : “à cet égard, nous réaffirmons que la question de notre intégrité territoriale restera la priorité des priorités dans notre politique intérieure et extérieure. Nous réitérons, par conséquent, notre volonté de maintenir le cap et continuer à défendre notre souveraineté et l'intégrité de notre territoire qui ne souffrent d'aucun marchandage.” Voilà des propos qui confirment l'entêtement marocain à vouloir la chose et son contraire.