Ils ont demandé à cet ex-fonctionnaire de la chancellerie de ne pas faire le jeu des ennemis du Président. En contrepartie, ils lui ont promis que celui-ci se penchera sérieusement sur son cas une fois réélu. Benyoucef Mellouk croyait vraiment qu'il était arrivé au bout du tunnel, que sa cause était finalement entendue, quand la présidence de la République l'avait invité, l'hiver dernier, à se rapprocher de ses services pour exposer son cas. Or, le calvaire de cet ex-fonctionnaire de la chancellerie, chargé des affaires sociales et du contentieux, qui avait révélé, dans les années 1980, l'affaire des magistrats faussaires — usurpateurs de la fonction d'ancien moudjahid pour gravir les échelons de la magistrature —, semble appelé à perdurer. En effet, alors qu'il s'attendait à une prise en charge sérieuse et urgente de son dossier, il est prié de patienter jusqu'après l'élection présidentielle. Des émissaires du chef de l'Etat, qui lui ont rendu visite tout dernièrement à son domicile à Blida, l'ont exhorté à la sagesse, en lui demandant de ne pas faire le jeu des ennemis du chef de l'Etat, à comprendre les opposants à sa réélection. “Ils m'ont assuré que Bouteflika se penchera sérieusement sur mon cas une fois réélu”, confie Mellouk. Désabusé, blasé, l'homme ne croit plus aux promesses. Pour cause, après plus de vingt ans de combat solitaire et d'immenses souffrances (limogeage de son poste, interdiction de sortie du territoire national, destitution de ses droits civiques, attaques en justice…), l'ex-fonctionnaire a la chance de pouvoir plaider sa cause auprès du plus haut magistrat du pays. Il y a moins d'une année, il recevait un courrier de la direction des affaires sociales de la présidence lui demandant de se présenter au palais d'El-Mouradia, muni de tous les documents de l'affaire en sa possession. Il est reçu comme prévu, mais ses hôtes tentent de lui subtiliser les fameux documents. Mellouk refuse. Aussi, même si les responsables de la présidence l'assurent que les portes de cette institution lui seront toujours ouvertes, jamais plus, il ne franchira le seuil du palais d'El-Mouradia. Toutes ses tentatives de reprendre langue avec les plus hautes autorités du pays seront vaines. Pourtant, à la même période, une autre démarche des pouvoirs publics, rendue publique par un groupe d'anciens maquisards, dissidents de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), confirme l'ouverture solennelle du dossier des faux moudjahidine, dont des magistrats. En effet, il était notamment question de la création d'une commission d'enquête par la présidence de la République. Cette instance, que l'on disait présidée par le général Mohamed Touati, conseiller du Président, aurait ainsi reçu pour mission d'assainir les rangs de l'ONM. Des réunions auraient même été convoquées au siège de cette organisation et au ministère des Moudjahidine. Briseur de tabou, Bouteflika venait incontestablement de lever un autre lièvre. Il n'en sera rien. Cité par la presse, le général Touati dément la mise en place d'une quelconque commission d'enquête. De leur côté, les dissidents de l'ONM persistent et signent. Que s'est-il passé au juste ? Un coup de bluff, un de plus du Président ou une espèce de menace qu'il aurait brandie à l'égard de quelques opposants au passé révolutionnaire suspect ? En cette période préélectorale tumultueuse, l'affaire des anciens moudjahidine pourrait être utilisée comme arme de guerre par les uns et les autres pour neutraliser leurs rivaux. Avant la visite des émissaires de la présidence, Mellouk a reçu des membres de la mouhafadha de Blida, proches de l'ex-Chef de gouvernement, Ali Benflis. Ils lui ont tenu le même discours quant à une prise en charge de ses doléances par Benflis une fois élu à la tête de l'Etat ! En attendant, les dossiers “explosifs” qu'il recèle sur l'usurpation de la qualité d'ancien combattant par des magistrats pourraient toujours servir aux deux candidats en course pour la magistrature suprême à gagner la bataille judiciaire en cours actuellement. S. L.