Les projections au festival de Locarno ont atteint leur vitesse de croisière. Nonobstant le mauvais temps, les festivaliers se montrent plus assidus et plus festifs. En effet, alors que le ciel ne cesse de pleurer, une pluie de léopards d'honneur tombe sur la scène locarnaise : Gérard Depardieu, Isabelle Huppert et Abel Ferrara. À l'occasion de la remise du Prix à ce dernier, le public a eu droit aux premières images de son nouveau long métrage 4:44 - Last Day on Earth. C'est la Mostra de Venise qui se fera le plaisir de l'offrir à son public. Cependant, les regards sont tournés vers la compétition dans laquelle concourt l'Algérien Rabah Ameur-Zaimèche, avec les Chants de Mandrin, qui le moins que l'on puisse dire laisse pantois. En effet, ce tant attendu film a laissé les festivaliers mitigés. Les journalistes se sont faits très rares lors de la conférence de presse, tenue juste à la fin de la première projection publique. 13h50, la salle du Févi est remplie de quelque 3 000 spectateurs. Le réalisateur fait le tour de la salle discrètement. 14h, il monte sur scène pour rejoindre le directeur du festival. À peine devant le micro, il lance un sifflement lancinant. Puis, il se lance dans un discours flou et plein d'émotion. Et la salle plonge dans le film. Le premier plan-séquence montre une nature luxuriante dans laquelle apparaît un soldat qui est pourchassé par d'autres soldats. Il s'enfonce dans la forêt sous le regard curieux de la caméra. Il est vite pris en charge par les contrebandiers s'inspirant du célèbre bandit d'honneur du XVIIIe siècle, Mandrin. La suite est plutôt ennuyeuse. La plupart des scènes se déroulent dans la forêt. Mis à part quelques dialogues forts, les comédiens restent peu crédibles. Certains comédiens comme Abel Jafri sont très mal exploités et réduits à de simples figurants. L'absence de l'expression de la colère, de la passion, de la peur et de l'engagement offre des scènes invraisemblables et installe un rythme monotone dans la trame narrative du film. Ajoutez à cela quelques anachronismes historiques. Le film se veut minimaliste dans ce qu'il montre. Et pour un film de costumes et d'époque, cela est frustrant. En substance, Zaimèche a tenu un sujet pertinent entre les mains, mais il n'en a vraiment pas tiré profit. Pour finir, il faut saluer les prestations exemplaires de quelques comédiens, notamment celles de l'hilarant Christian Milia-Darmezin, le généreux Jacques Nolot et le philosophe Jean-Luc Nancy, dans les rôles, respectivement du colporteur, du marquis et de l'imprimeur. Du côté de la Piazza Grande, les films les plus marquants restent Super 8 de J.J. Abrams et Cowboys & aliens de Jon Favreau. À l'occasion de la projection de ce dernier, les festivaliers ont eu droit à la présence de Harrison Ford et de Daniel Greg qui ont suscité émotion et déplacement d'un dispositif sécuritaire renforcé. Abstraction faite de la présence de ces deux stars, le film est un concentré de prises spectaculaires et d'effets spéciaux hollywoodiens.