Le western “Brokeback Mountain”, du réalisateur taïwanais Ang Lee, a remporté samedi soir le Lion d'or du meilleur film au 62e festival de Venise, alors que le Lion d'argent, grand prix du jury, est allé au réalisateur américain Abel Ferrara pour son film “Mary”. Le Lion d'argent, prix spécial pour la mise en scène, a été remporté par le réalisateur français Philippe Garrel avec son film Les Amants réguliers. Pendant que les stars continuaient à défiler sur le Lido, provocant des émotions fortes au sein des meutes de personnes qui viennent les admirer, les festivaliers continuaient, durant les deux derniers jours, à chercher quelques plaisirs dans les salles obscures. Les cinéastes, qui étaient en course pour la capture des lions vénitiens, défendaient leurs œuvres. Durant toute la manifestation, le public a été comblé par des défilés de stars. Pendant que certaines, comme Anthony Hopkins, s'étaient montrées muettes et sobres, d'autres à l'instar de Monica Belluci s'étaient montrées bavardes, voire provocante. Cette dernière qui tient un rôle de méchante reine dans Les Frères Grimm de Terry Gilliam a froissé les journalistes italiens en déclarant qu'elle préfère “parler dans la langue de Molière ou de Shakespeare, plutôt que dans celle de Goldoni”. Abel Ferrara, quant à lui, a créé la polémique avec son film Mary, qui a reçu le Lion d'argent, grand prix du jury, présenté dans la sélection officielle et qui traite de la présence controversée de Marie-Madeleine aux côtés du Christ. Les propos de Ferrara ont encore alimenté les débats : “Mel Gibson a fait la passion du dollar plus que la passion du Christ”, avait-il déclaré. Loin de la polémique, l'équipe de Patrice Chéreau a su harmoniser quelques shows médiatiques avec intelligence à l'écran. Ce film faisait partie de ceux qui avaient les moyens d'amener le lion vénitien à cesser ces rugissements et à se laisser apprivoiser. Un petit clin d'œil sur cette œuvre complexe s'impose. Adapté d'une nouvelle de Joseph Conrad (Le Retour), Gabrielle raconte l'histoire d'un couple de la petite bourgeoisie qui a vécu dix ans de mariage sans amour. L'homme, qui vit dans un monde réglé comme du papier à musique, se conforte dans la conviction et la satisfaction que leur union est une parfaite réussite. Un jour, il voit cet univers si parfait s'écrouler quand sa femme le quitte brusquement, lui laissant une simple lettre de rupture, avant de revenir. Figures majeures du théâtre et du cinéma français, Patrice Chéreau et son actrice Isabelle Huppert n'avaient jamais travaillé ensemble avant ce film. En revanche, la comédienne a pour partenaire à l'écran un vieux complice du metteur en scène : Pascal Greggory qui a endossé de nombreux rôles dans la filmographie de Chéreau. Il incarnait le duc d'Anjou dans La Reine Margot, le compagnon de Bruno Todeschini dans ceux qui m'aiment prendront le train, et, pour une brève apparition, un médecin dans Son frère. L'acteur a aussi joué à plusieurs reprises sous la direction de Chéreau au théâtre dans Le Temps et la chambre de Botho-Strauss (1992), Phèdre de Racine (2003) et Dans la solitude des champs de coton (1995) de Bernard-Marie Koltès. Magnifique film en costumes qui nous plonge dans un univers plutôt théâtral que cinématographique où les deux acteurs protagonistes brillent de tout leur éclat, sans ternir pour autant des rôles secondaires peaufinés. Isabelle retrouve un rôle plus sage et plus classique et moins pervers que ses dernières interprétations cinématographiques comme dans La Pianiste, Merci pour le chocolat et Ma mère. Mis en images par le directeur de la photographie, Eric Gautier, qui collabore avec Patrice Chéreau pour la quatrième fois, le film, initialement baptisé Trois soirées, a été tourné l'été dernier. Sur un scénario cosigné par Anne-Louise Trividic, complice habituelle du réalisateur, Gabrielle souligne que la fidélité des collaborations de Chéreau lui permet d'affirmer brillamment son sceau en tant que cinéaste que dramaturge. C'est avec ce film donc que le cinéaste a concouru pour la première fois dans la Cité des Doges. LE PALMARÈS - Lion d'or du meilleur film Brokeback Mountain du cinéaste taïwanais Ang Lee. - Un film de Ang Lee, avec Heath Ledger, Jake Gyllenhaal ; sortie en salles le 11 janvier 2006 - Coupe Volpi du meilleur acteur : David Strathairn dans Good Night And Good Luck de George Clooney. - Coupe Volpi de la meilleure actrice Giovanna Mezzogiorno dans La Bestia Nel Cuore. - Lion d'argent grand prix du jury : Mary d'Abel Ferrara (Etats-Unis). - Lion d'argent prix de la mise en scène : Les Amants réguliers de Philippe Garrel (France). - Lion du futur prix de la meilleure première œuvre : 13 (Tzameti) de Gela Babluani. Tahar et Firouz Houchi