Malgré ses soucis de santé, cet artiste qui a été le premier à exposer à l'APC de Batna, et ce en 1969, a répondu à nos questions avec affabilité et grande humilité. Liberté : Avant toute chose, nous souhaiterions prendre des nouvelles de votre santé. Comment allez-vous ? Mohamed Berkane : Dieu merci, Il y a beaucoup d'amélioration par rapport à mon hospitalisation. J'avais un pied dans la tombe et je suis revenu de loin. Hamdoullah ! Je suis croyant, et je crois donc au destin. Et d'ailleurs, je saisis cette occasion pour remercier tous ceux qui m'ont soutenu durant ma maladie. Et puis l'art m'a permis de m'accrocher, de lutter contre ma maladie. La peinture est ma bouteille d'oxygène qui me fait respirer. Après votre maladie, on constate que vous vous adonnez beaucoup plus à l'art abstrait qu'à l'impressionnisme comme autrefois. Pour quelles raisons ? C'est vrai. Un changement s'est opéré en moi après ma maladie. Même si un tableau de peinture impressionniste prend de mon temps trois semaines à un mois, j'ai commencé à lui préférer l'abstrait, quoiqu'un tableau abstrait me demande trois à quatre mois de recherches. Ces derniers temps, je trouve dans l'abstrait énormément de plaisir ; il suscite en moi des états d'âmes qu'il m'est difficile de vous l'expliquer. Je me défoule, et c'est une réelle thérapie pour moi. Ces formes et ces couleurs expriment pour moi cette vie invisible. Tous les tableaux abstraits reflètent des préoccupations sociales et intellectuelles. Pourquoi dans vos tableaux, vous utilisez les ocres (jaune et rouge) ? Je ne sais pas où vous voulez m'emmener, mais vous n'avez, finalement, pas tort. Effectivement dans mes toiles, j'ai totalement presque éliminé les autres couleurs au profit de la gamme des ocres, rouge et jaune précisément, domine. Sans m'enfoncer dans une analyse psychique, elles sont issues de la nature, elles expriment un état d'âme. Chaque peintre donne libre cours à son génie pour le choix des couleurs. Et puis le but de l'art n'est pas de reproduire la nature, mais de la recréer.... Existe-t-il un parcours-type pour être artiste peintre? Pour moi, il n'en existe pas. Le dîplôme ne fait pas un artiste-peintre. Il atteste d'une culture artistique et de la maîtrise de matériaux et de technologies modernes. Une formation artistique n'est donc pas antinomique avec une vocation créatrice. Pour réussir dans le domaine artistique, comme dans tous les autres domaines, il faut développer une qualité essentielle : la persévérance. Un jour, je vous avais demandé : quel art faites-vous, et vous m'aviez alors répondu : “ Je fais de l'art libéral et non de l'art mercantile”. Qu'entendiez-vous par-là ? Mes oeuvres sont nés pour ma propre satisfaction, c'est-à-dire une production libre et d'abord personnelle. Ma production est l'expression d'une volonté, elle ne vise aucun but utilitaire. Lorsque je décide de créer une oeuvre, je le fais pour mon propre plaisir, pour exprimer un état d'âme. Lorsque je fabrique une oeuvre ce n'est pas pour vendre, améliorer notre train de vie ou pour m'en servir dans mon quotidien. C'est une activité en soi, agréable, libre, elle n'est pas contraignante. L'art libéral se distingue du travail contraignant. Faire de l'art, c'est jouer à travailler. L'activité de l'artiste est un jeu doublé de travail.