Pour réagir aux commentaires suscités par sa conduite et ses silences au long des évènements de Libye, l'Algérie a eu recours à “une source au ministère des Affaires étrangères”, si l'on en croit les organes de presse qui se sont fait les échos de cette “source”. L'usage de l'anonymat ne peut s'expliquer que par deux possibles raisons : ou “les Affaires étrangères” n'ont pas le courage d'assumer leur propre vision de l'action (ou l'inaction) diplomatique que leur inspire la situation libyenne ; ou alors la voix masquée n'est pas une voix des Affaires étrangères, mais la voix qui parle à la place des Affaires étrangères et qui, en réalité, leur dicte leur démarche. Dans le premier cas, cela voudrait dire que tout un département de souveraineté, avec son armée de plénipotentiaires, ses porte-parole et son réseau planétaire d'ambassades, n'ose pas dire tout haut l'analyse officielle de l'Etat algérien et les résolutions qu'il en tire pour encadrer son action. Cela voudrait dire aussi que les commentateurs de tout poil doivent, malgré l'anonymat, lire, dans l'intervention de la “source”, l'éclairage officiel de la République algérienne démocratique et populaire représentée, pour la circonstance, par une “gorge profonde”. Dans le second cas, où le tuteur des Affaires étrangères ne veut pas, non plus, s'identifier, cela voudrait dire que les Affaires étrangères ignorent les raisons de leur approche, s'il y en a une, et des positions qui en découlent. Dans ce cas, la “source” n'est plus une “source” d'information proche ou issue des Affaires étrangères mais la source… d'inspiration de son action. Normal alors qu'elle vole au secours d'une institution qui ne maîtrise pas sa propre activité et qui ne sait pourquoi. De derrière le rideau, les arguments de la diplomatie nationale sont ainsi jetés à la figure de ses détracteurs et, accessoirement, transmis à l'opinion publique. La troisième possibilité, celle où l'intervention de la “source” ne serait qu'un canular, n'est pas prise en compte. Même si l'on peut noter alors l'absence de réaction, de démenti, des Affaires étrangères qui accepteraient donc d'être représentées, dans un débat, par une “source” anonyme. Est-ce alors que les AE confirment s'être exprimées par “source” interposée ? Ou est-ce parce qu'elles prêtent, sur la foi d'une presse complaisante, une autorité à une “source” dont elles ignorent l'identité. La presse, qui, par ailleurs, se dit en quête de sa dignité, se fait le complice d'une communication officielle clandestine et va recueillir une position d'Etat chez une “source” qui la donne en cachette ! Elle inflige ainsi à ses lecteurs le mépris d'être informés par une voix source qui, pour on ne sait quelle raison, refuse de se présenter à visage découvert. On ne peut reprocher sa dérive à la diplomatie nationale et participer à cette même dérive en entrant avec elle — ou avec un imposteur — dans une sorte de communication subliminale. Une régression nationale d'une telle ampleur nécessite une convergence des effets de dérives conjuguées. En fait, ce n'est pas la diplomatie qui est en cause. C'est seulement son tour de se révéler. Comme un autre moment d'une dérive “systémique”. M. H. [email protected]