Ceux qui ont dit que “le comique n'y est jamais gratuit” et que “le rire est l'instrument privilégié d'une critique lucide de la société” n'ont pas eu finalement tort. La pièce théâtre Lekhmissi wa El-Houwaria, produite par la coopérative culturelle Anis de Sétif, écrite et mise en scène par Lamri Kaouane, le confirme très bien. Présentée jeudi dernier, la pièce a fort bien illustré les deux objectifs : faire rire le public à en pleurer et lancer un appel à l'ouverture de la conscience et à l'amour de la patrie. Le duo de comédiens Hani Mahfoud (Lekhmissi) et Tounes (El-Houwaria) a usé et abusé en jouant sur les mots, sur la langue vivier de jeux de mots, de calembours, de déformations possibles pour provoquer le rire du spectateur. La variété des types de discours leur ont permis d'accrocher le spectateur jusqu'à la fin de la pièce. La salle archicomble, cette soirée, n'est pas prêt à les oublier. La pièce débute par une scène où le personnage principal installé dans un milieu désertique donne les informations nécessaires au spectateur sur sa personne et sa présence dans ce cadre de vie. Aux lueurs du lever du jour, des aboiements déchirent le silence de la nuit, un homme sort de sa tente, en mots gentils, il calme son chien, symbole de la fidélité dans la culture arabe, puis vient s'assoir pour se présenter au public. Dans un aparté, Lekhmissi se présente comme un héritier d'un lopin de terre et explique son travail, qui est de veiller sur les frontières. L'action est simple et tout le public a compris le message que le personnage tente à leur transmettre. En délimitant les frontières de son lopin, il dessine la carte de l'Algérie. Soudain une femme voilée, habillée exagérément pour faire rire le public fait son apparition sur scène. C'est le déséquilibre! Cette femme muette cachée sous le voile, symbole de l'illettrisme et de la pureté, lui dit par des signes qu'elle désire elle aussi traverser les frontières clandestinement et à aller au-delà des frontières. Il finit par la dissuader à renoncer à quitter son pays et revenir vivre auprès de sa famille. Pour faire rire le public et se moquer de certaines mœurs, les deux comédiens ont trop abusé du comique de gestes en faisant des mimiques, des cabrioles, du pantomime et du burlesque. Au bout de quelques minutes, El Houwaria fait son entrée sur scène. Elle est présentée comme une femme algérienne anticipée et intellectuelle, qui n'a pas trouvé sa place dans sa société et qui veut quitter sa terre natale, pour aller vivre ailleurs. Les deux personnages s'affrontent avec des face-à-face réussis. L'énonciation est traditionnelle (un personnage parle à un autre) mais assez travaillée au niveau de la langue et parfois même maladroite. Le dénouement est heureux ! Lekhmissi wa Houwaria vise non seulement à faire rire le public, mais aussi à faire passer un message au public sur l'union et de l'amour de la patrie. Le discours comporte deux aspects : d'une part, il y a la dynamique du rire et, d'autre part, la morale ou la leçon ou le souci de vérité (toujours plus ou moins implicite) qui témoigne d'une volonté de changer les choses. Par le rire, la pièce Lekhmissi wa El Hawouaria, parfois comique, parfois satirique tente d'éveiller chez le spectateur une prise de conscience.