Depuis quelques jours, une vaste opération de recasement des mal-logés d'Alger est accompagnée de violents mouvements de protestation. Pas seulement parce que certains d'entre eux sont “oubliés” ou contraints d'attendre un prochain tour pour être relogés. Avec l'accélération du processus de relogement, de nouvelles exigences semblent être nées dans l'esprit de bon nombre “mal-logés”. Pour certains quartiers, les manifestants sont des bénéficiaires d'appartements qu'ils trouvent de standing insuffisant ou trop éloignés de leur résidence d'origine ; parfois, c'est le site de leur nouvelle habitation qu'ils récusent et, dans certains cas, ils revendiquent un relogement dans le quartier même où ils demeuraient jusque-là. On se souvient du précédent de Diar Echems et de l'ambiguïté de la réaction des pouvoirs publics. Au lendemain des émeutes, Zerhouni, le ministre de l'intérieur d'alors, annonçait que les “véritables” habitants de Diar Echems allaient être relogés. Le premier ministre a beau démentir l'efficience en déclarant, un peu plus tard, que “le recours à la violence ne résoudra jamais le problème du logement” et que “ce n'est pas parce qu'il y a une manifestation qu'on va donner, par un coup de baguette magique, des logements le jour même”, le fait est là : la violence a payé. En tout cas, le risque de cette interprétation a été pris par les pouvoirs publics. Plus tard, des augmentations de salaires qu'on disait inconcevables ont été concédées à la suite de manifestations. Si l'on n'est pas enseignant, médecin résident, steward, enfin une de ces catégories professionnelles qui ne prédisposent pas à la démonstration de force, la réaction des autorités est moins conciliante. La démarche de “réconciliation nationale” qui instaure un contrat de non-belligérance entre le terroriste et l'Etat en échange de l'impunité et de diverses concessions socioéconomiques a semé l'idée tacite que la menace contre la paix civile pouvait rapporter. Progressivement, la violence a commencé à structurer le rapport de l'Etat à la société, notamment avec ses secteurs cultivant une propension à l'expression physique de leurs revendications. Parfois, c'est le pouvoir qui a exalté cette violence pour faire une arme de contre-manifestation, en appelant les riverains à “défendre la sérénité de leur quartier” en payant des baltaguias pour agresser les contestataires politiques. En fait, le pouvoir, dans sa conception rentière de la paix sociale, fait une double erreur : après avoir homologué la violence comme moyen de revendication, il pratique une politique d'assistanat prioritairement orientée vers les masses tapageuses. Alors que des citoyens encore bridés par la retenue rêvent toujours en silence de trouver un toit, même à l'autre bout du pays, d'autres, organisés en “quartiers”, en “houmas”, cette notion qui, aujourd'hui, colporte les pires atavismes des “citadins”, se révoltent pour que le logement vienne à eux. Le civisme ne paie pas en ce pays où la culture de la corruption politique a fait de l'Etat algérien l'Etat de ceux qui osent… “Bled el-hozzias”, dit-on, en référence à cette disposition à oser. M. H. [email protected]