Si le constat, s'agissant de la situation au Sahel, est le même, les approches divergent néanmoins entre les pays du champ et leurs partenaires étrangers. Alger semble rapprocher les lectures et stratégies de lutte contre le terrorisme dans la sous-région du Sahel. Si la nécessité d'une coopération entre les pays du champ et les extrarégionaux et de la coordination des actions a été franchement soutenue par les différents intervenants à la Conférence d'Alger sur la sécurité et le développement qui s'y tient depuis hier, les approches développées, entre les partenaires étrangers, occidentaux surtout, et celle désormais unie et assumée des quatre pays du champ, souffrent de divergences malgré le constat commun et partagé sur l'ampleur de la menace qui pèse sur tous ces pays. Les pays du champ ont d'ores et déjà pris l'initiative compte tenu des activités d'Aqmi en prenant des mesures considérées partiellement efficaces mais insuffisantes pour venir à bout de ce fléau si l'on tient compte des déclarations des principaux acteurs impliqués dans cette lutte. Américains, Anglais, Français, Canadiens, Union européenne ont développé un autre discours avec une autre lecture quant à la stratégie à adopter contre Aqmi qui a profité de la crise libyenne pour renouveler sa logistique : son arsenal militaire et son parc roulant. Cela sans compter ses connexions avec les autres réseaux de trafic et du crime organisé. L'objectif des efforts étant “l'appropriation de cette lutte contre le terrorisme”, selon la formule de M. Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, et dont l'Algérie est leader, les partenaires sont sollicités, selon cette nouvelle approche, à soutenir le programme tracé par les pays du champ et qui s'articule autour de deux actions complémentaires. Des opérations militaires sous le commandement du Cemoc (Tamanrasset) et des projets socioéconomiques pour la région afin de soustraire à Aqmi son “gisement”, la pauvreté et l'isolement qui rendent les populations vulnérables. L'opérationnel est dévolu exclusivement au Cemoc qui s'appuie sur un autre mécanisme, l'UFL, l'unité de fusion et de liaison composée des services de renseignement des quatre pays du champ, Algérie, Mali, Mauritanie et Niger. En plus de la collecte du renseignement sur les groupes terroristes activant dans la sous-région, l'échange d'informations sur le sujet avec les partenaires extrarégionaux qui ont des intérêts dans la région, l'unité est également chargée d'élaborer des plans d'action dans le domaine socioéconomique à destination des populations des zones de prédilection d'Aqmi et de ses réseaux d'alliés. L'UFL dont le siège est à Alger constitue ainsi l'interface entre le Cemoc qui est une force armée, passée d'une armée de riposte à une armée offensive, selon la définition du ministre des Affaires étrangères mauritanien, les gouvernements et les partenaires des pays du champ. Ainsi est-il appelé à définir avec précision des projets socioéconomiques, des programmes spécifiques à chaque région. Cela concerne les besoins sociaux, culturels, éducatifs et bien entendu des projets d'investissement, mais cette solution que les pays du champ et leurs partenaires trouvent acceptable et susceptible de tarir les sources et complicités. Aqmi bute contre le manque de moyens. Des moyens logistiques, des besoins en formation d'une part, et des moyens financiers pour soutenir les actions à entreprendre afin de rassurer les populations locales et de les “extirper” des tentations de collaboration avec les terroristes qui ne manquent pas de moyens, surtout financiers avec les rançons obtenues contre la libération des otages, pour les convaincre. La crise libyenne a donné l'occasion à Aqmi pour renforcer ses capacités de nuisance avec les apports en armes, information relevée par le Tchad et le Niger, et en argent pour étendre son terrain d'action. “Aqmi s'est constituée une armée en renforçant son infrastructure”, a indiqué un officier des pays du champ. D'où cet appel aux bailleurs de fonds, aux investisseurs dont les banques pour soutenir cette démarche. Pour l'instant, la BAD, la BID et la Bida ont répondu favorablement et tenu à le confirmer à travers leur présence à la Conférence d'Alger. Les pays partenaires devraient aussi s'investir car la réponse globale au problème du terrorisme dans le Sahel passe par des actions militaires et d'autres de développement qui préservent à la fin les intérêts des pays de la région et les leurs. Le message est adressé précisément à la France et aux Etats-Unis qui ont des intérêts économiques. Les pays partenaires ont accédé à cette doléance en acceptant l'approche globale des pays du champ et en acceptant leur stratégie d'action sur les deux fronts. À charge, cependant, à l'UFL d'identifier les projets et de déterminer les urgences. Et c'est là le défi que s'engage à relever l'unité.