Elle a 16 ans, mesure 1m58 pour 42 kg et ses cheveux sont bleu turquoise. La diva pop est un phénomène national au Japon. Elle fait la couverture des magazines et un million de vidéos d'elle circulent sur le web. Pourtant, Hatsune Miku n'existe pas. Programme de synthèse vocale mis au point depuis 2007, grâce à une technologie de Yamaha Corporation, Vocaloïd 2. Moyennant 150 dollars US, le logiciel permet à n'importe qui de composer un tube en utilisant la voix vocaloïd d'Hatsune Miku sur des paroles de chansons. “On ne s'attendait pas à une telle popularité”, reconnaît Kanae Muraki, directrice marketing de Crypton Future Media, qui a déjà vendu 70 000 logiciels. Miku, pop star vocaloïd La voix humaine d'origine appartient à une certaine Saki Fujita, choisie “non pas parce qu'elle était celle qui chantait le mieux, mais parce qu'elle était la plus précise dans le suivi de la partition et que son timbre était cohérent avec les représentations du personnage”, explique-t-on chez Crypton. En commercialisant cette voix synthétique, la société lui a donné quelques caractéristiques et un nom, Hatsune Miku, qui signifie littéralement “premier son du futur”. Les fans ont fait le reste. Kanae Muraki raconte : “A l'origine, il existait trois images d'Hatsune Miku. La principale figurait sur l'emballage. On a laissé les fans imaginer l'univers qui allait avec.” Première diva participative Des dessinateurs ont commencé à s'emparer de la nymphette. Ils lui ont donné des attitudes stéréotypées, des attributs physiques, une couleur favorite, des accessoires (son objet totémique est un poireau)… Les images ont rapidement essaimé sur Twitter et Mixi, le principal réseau social japonais. De son côté, un programmeur nommé Yu Higuchi a mis au point un logiciel libre, baptisé “Miku miku dance”. Celui-ci permet de créer des chorégraphies sur les chansons. L'engouement pour le software a multiplié de manière exponentielle le nombre de clips d'animation d'Hatsune Miku. D'autres logiciels libres sont apparus, et en un rien de temps, Hatsune Miku est devenue l'égérie d'un vedettariat participatif. Par milliers, des clips de chansons romantiques se sont retrouvés sur Nico Nico Doga, une plate-forme vidéo plébiscitée par la jeunesse japonaise. Les chansons sont rapidement entrées dans les charts japonais. Sony Music Direct a dégainé des propositions de contrats aux fans inconnus les plus virtuoses. Aujourd'hui, Hatsune Miku a ses paroliers stars et ses arrangeurs, comme Ryo, qui a imaginé le groupe vocaloïd Supercell. L'album éponyme s'est retrouvé propulsé à la quatrième place du Billboard japonais, avec 56 000 exemplaires vendus dès la première semaine. En mars dernier, il était sacré meilleure révélation au Japan Gold Disc Award. Le parolier Kazuhito Tsukui écrit habituellement pour la star nipponne Rina Aiuchi. Depuis qu'il compose pour Hatsune, ses chansons ont été distribuées dans 22 pays via Itunes. Des dessins à l'hologramme pour les concerts Rapidement, les fans ont exigé de voir la star vocaloïd en concert. Après l'achat de la licence, Sega a coproduit un show utilisant une technologie holographique, qui rappelle un peu les live du groupe de Damon Albarn, Gorillaz. A ceci près que l'hologramme en 3D de Miku danse, chante et tient seul la scène de bout en bout. La star vocaloïd a ravi les foules avec un premier concert à guichets fermés, à Tokyo, le 9 mars 2010. Pour le PDG de Sony Music Direct, “Vocaloïd ouvre des possibilités infinies […] . Ce qui est nouveau, c'est qu'il est tout à coup possible d'écrire, d'arranger, de produire une animation. On peut tout faire”. En attendant, le moindre mouvement d'Hatsune Miku tient en haleine les fans français. Les blogueurs sont fébriles. Depuis juillet, NiconicoDouga a ouvert une page francophone et des sites ultra documentés se repassent les traductions d'infos. Dans les cosplay, les silhouettes d'Hatsune pullulent.