Si les révoltes se sont propagées après le soulèvement des Tunisiens, c'est tout simplement parce que les régimes arabes étaient et sont profondément impopulaires. Ben Ali et Moubarak pour en rester à ceux que le Printemps arabe a chassés, partagent leurs frasques avec leur pairs, qu'ils soient roi, prince ou élu. Depuis décembre dernier, les pouvoirs arabes sont apparus pour ce qu'ils n'ont pourtant jamais cessé d'être : des pouvoirs dynastiques, corrompus et incapables d'assurer une vie élémentaire à la majorité des populations. Cette dernière décennie a révélé une scène arabe minée par le chômage de masse et la malvie, notamment pour la jeunesse. Le discours des indépendances et des révolutions nationalistes ainsi que la voie ouverte au salafisme, réincarnés par les establishments n'ont pas suffi pour masquer les nouveaux fardeaux dont cette concentration accrue et indécente de la richesse aux mains de petites fractions, les clans du pouvoir, ses périphéries et sa clientèle. Alors que de l'autre côté, nous assistions à une dégradation vertigineuses des conditions de vie pour une partie très importante des sociétés arabes. L'Amérique découvre brutalement que son hégémonie est contre-productif. Son premier président noir fait amende honorable : il rejette les fumisteries de son prédécesseur et invite ses pairs arabes à se défaire de leur démocratie procédurière pour entrer de plain-pied dans la vraie, celle qui fonde des nations stables et apaisées. Le fond de commerce du danger islamiste n'opère plus aux Etats-Unis comme en Europe. Privés de l'assurance d'un soutien sans faille à la seule condition qu'elles poursuivent leur lutte contre l'islamisme radical, les capitales arabes vont enfin poser crûment la problématique de leurs dirigeants dont l'alternative est désormais : répondre aux attentes des populations ou le renversement par celles-ci. Comme en Tunisie, l'Egypte, la Libye et, demain, la Syrie et le Yémen. Le tout-sécuritaire démystifié, les peuples arabes, même s'ils ont connu une relative amélioration de leur condition matérielle, ont tous sonné la fin des humiliations qu'ils ont encourues sous l'emprise des appareils sécuritaires et de leur logique. Dix ans plus tard, cette parenthèse semble se refermer, elle se joue, en ce moment, dans les rues du monde arabe qui exigent une démocratisation des institutions politiques, avec l'appui des Etats-Unis, des pays européens et des institutions internationales. Ceux-là mêmes qui, jusqu'à décembre 2010, avaient maintenu à flot les régimes autoritaires ! Quel retournement de situation en si peu de temps. L'heure est au réexamen et il faut ne pas rater l'occasion car les Occidentaux montrent bien dans le cas libyen qu'ils ne rechigneront pas à agir. Le principe de “l'ingérence humanitaire” est depuis la résolution 1973 du Conseil de sécurité autorisant l'intervention de l'Otan en Libye, un “instrument” dans les relations internationales. C'est assurément la version troisième millénaire du néo-impérialisme, mais elle n'a été rendue possible que par la trahison de régimes plus préoccupés par leur survie que par le devenir de leur pays et de leurs populations. Si chacun avait balayé devant chez lui et devant sa porte, en procédant à des transformations politique, sociale et culturelle par l'instauration d'un cercle vertueux entre la croissance économique, la normalisation politique et sociétale, les pays arabes se seraient épargnés ces multiples initiatives humiliantes de l'Occident, du FMI, de la Banque mondiale et du Conseil de sécurité. Si la bonne gouvernance n'était pas restée qu'un instrument de propagande….