Ils étaient nombreux, jeudi, à attendre leur tour malgré une chaleur suffocante. Ce n'était pas dans une boulangerie ou devant le guichet de l'APC, mais au stand des éditions Chihab, au 16e Salon international du livre (du 21 septembre au 1er octobre 2011, au Complexe olympique Mohamed-Boudiaf, sous le slogan : “Le livre délivre”). Ils attendaient, leur livre à la main, que deux femmes leur signent une dédicace. Elles, c'est la militante algérienne Annie Fiorio-Steiner et notre amie et collègue Hafida Ameyar, auteure dudit livre (édité par l'association les Amis de Abdelhamid Benzine), constitué d'une série d'entretiens qui retracent le parcours, non seulement de la militante, mais d'une femme qui, en épousant la cause algérienne, a tout donné : sa vie. Elle a gardé longtemps enfouis en elle des souvenirs se rapportant à la guerre de Libération. “Je me suis tue très longtemps, comme toutes les moudjahidates, et finalement j'ai vu mourir d'autres, des moudjahidine aussi…”, confie-t-elle. C'est pour cette raison qu'elle a décidé de faire confiance à l'auteure et lui raconter sa vie que rares sont ceux ou celles qui la connaissent. L'envie de parler de ce qu'elles et ses sœurs algériennes ont vécu en prison la taraude depuis longtemps, “mais c'était velléitaire”, confie-t-elle. “Si je n'ai pas parlé avant, c'est parce qu'il y avait certains qui ont fait plus que moi”. En optant pour l'entretien, Hafida Ameyar avait le souci d'être fidèle à ce que disait Annie. "Ce qui m'a poussée à réaliser ce travail, c'est sa fidélité aux moudjahidates, ses sœurs de combat”, confie l'auteure. Et d'ajouter : “Malgré son âge, elle tenait à les citer toutes, même celles qui sont mortes”. À propos du regard qu'ont la population et les “officiels algériens” sur elle, elle eut un sourire et un regard chargé de nostalgie. “La population est favorable quand elle sait. J'ai l'impression que dans les sphères élues, on nous aimait bien, mais comme des potiches”. Une phrase lourde de sens. Un itinéraire long, parsemé d'embûches et de sacrifices. Son acte, elle l'assume et, surtout, ne le regrette pas. “Quand je pensais à mes enfants (un an et demi et trois ans et demi), je me disais : " Annie tu n'as pas de raison de te plaindre. Il y a des jeunes mariés qui sont montés au maquis et qui sont morts sans voir leurs enfants ".