Résumé : Hakima met Nawel au courant de la demande en mariage qu'elle venait de recevoir. Cette dernière est heureuse pour elle. Mais son bonheur est de courte durée, car son amie ne semble pas décidée à s'engager. Elle brandira encore ses arguments habituels, et Nawel tente de la raisonner. Nawel lui entoure les épaules : - Tu connais mieux que moi ce Faouzi, Hakima. Je ne sais pas à quel genre d'homme tu as à faire, mais s'il tient à toi, aucune force au monde ne l'empêchera de t'avoir. La famille n'aura qu'à s'incliner. Et puis, je crois que les mœurs ont évolué. Tu es une fille bien éduquée, cultivée, belle, intelligente… je ne vois pas ce qu'il lui faudrait de plus. - Tu ne comprends donc pas Nawel ? Tu ne comprends donc pas que ma situation dissuadera plus d'un homme à m'approcher ? Je ne suis pas comme toi. Je n'ai aucun port d'attache. - Pour le port d'attache, le mien non plus n'est pas meilleur. Je n'ai pas vu mon père depuis plus de six mois. S'il était mort, j'aurais été pleurer sur sa tombe… mais il se trouve qu'il est encore de ce monde, et je ne sais même pas où il est. Hakima lui tapote l'épaule : - Désolée Nawel… je ne voulais pas te blesser. Mais toi au moins tu as un nom… une origine…. - Cela ne m'a pas servi à grand-chose vois-tu ? Je me suis faite toute seule. Elle sentit la détresse de son amie et reprend : - Je ne vais pas te faire une leçon de morale Hakima, mais je peux te certifier une chose : si ce Faouzi est ton mektoub, rien ne le fera reculer. - Mon mektoub est bien net Nawel… je ne suis pas faite pour aimer ou me marier. - Quelle catastrophe mon Dieu ! lance Nawel en joignant les mains d'un air dramatique. Hakima se met à rire : - Arrête ! Tu ne peux pas comprendre mon état d'âme. - Ce que je ne comprends pas Hakima… c'est plutôt ton entêtement à porter sur ton dos toutes les misères du monde. - Tu ne pourras jamais saisir l'immensité de ma frustration. Jamais, Nawel, tu n'arriveras à atteindre ça. Jamais ! Je connais trop notre société pour m'incliner. - Mais Faouzi le sait. Il sait tout sur toi maintenant. Ne veux-tu pas tirer un trait sur ton passé et reprendre ta vie à zéro ? - Impossible ! Notre société appréhende les tabous… et je suis moi-même un tabous. - Tu n'as pas eu à choisir. Tu es une victime. - Justement ! c'est ce que j'essaye de te faire assimiler… Je suis une victime, et je ne veux en aucun cas en faire d'autres. Nawel secoue sa tête : - Têtue…Têtue….Faouzi aura fort à faire avec toi pour avoir le dernier mot. - Je lui ai tout simplement demandé d'en parler à sa famille… Il en tirera la conclusion de lui-même. - Mais tu n'y penses pas… Si Faouzi revient vers toi, c'est qu'il t'aime… Tu n'as pas le droit de le faire souffrir. - Je n'ai pas le droit non plus de l'entraîner dans un labyrinthe… Je veux qu'il sache, une fois pour toute, qu'un cas comme le mien est sans issue… sans espoir. Elle repousse son assiette et se dirige vers son lit : - Je vais quitter le journal Nawel. Je n'aurais plus le courage de le regarder en face. Nawel s'exclame : - Mais tu es folle ! Tu vas mettre ta carrière en péril à cause d'une situation qui n'en vaut pas la peine. Attends au moins la réponse de Faouzi. Hakima baisse les yeux : - Ce n'est pas la peine. Je la connais déjà. Elle s'allonge sur son lit et met un coussin sur son visage. Au bout d'un moment elle le rejette et regarde Nawel : - Tu voulais me parler de quelque chose ? Nawel hausse les épaules : - Ce n'est pas important ; après ce que tu viens de me révéler, je n'en ai plus envie. Hakima se redresse sur un coude : - C'est à quel sujet ? - Oh ce n'est rien. J'ai des invitations… des invitations pour un gala artistique. Hakima se laisse retomber sur son lit et se couvre : - Nous en reparlerons demain matin. Elle ferme les yeux et se laisse emporter. Nawel l'observe un moment avant de se décider de son côté à rejoindre son lit. (À suivre) Y. H.