Je ne suis pas oranais, mais à force de vivre dans une ville qui adopte si facilement, je me sens un peu wahrâni sur les bords. Avec beaucoup de mélancolie aujourd'hui, quand je vois que les anciens que j'ai connus et qui ont fait, bâti et aimé cette cité ne sont plus là. Non pas qu'ils aient disparu, quelques-uns sûrement, mais parce que tous ont préféré mettre les voiles pour vivre ailleurs. Soit dans une quelconque banlieue noyée par la foule des arrivants, soit dans un lointain village le long de la côte, là où personne ne viendrait les chercher. Je me suis longtemps posé la question sans pouvoir y répondre. Pourquoi ont-ils fui la ville de leurs ancêtres qui porte la marque de leurs racines, de leur label, de leur origine ? Et à force de me triturer les méninges, j'ai fini par trouver la réponse, elle s'est imposée à moi comme le jour s'impose à la nuit, de manière fulgurante. En vérité, il n'y a plus rien qui les rattache à Oran, sinon les services de l'état civil. Ils ont quitté les quartiers où ils sont nés et n'ont emporté que leurs souvenirs plein les bagages. Rien n'est plus comme avant, disent-ils, il y a trop de monde dehors, on se bouscule sur les trottoirs, personne ne prend le temps de vivre, il n'y a que des locataires sur les paliers, on s'étripe à chaque fois qu'un môme de la fratrie se fait tirer le portrait, on se roue de coups de poing à chaque fois qu'une boîte aux lettres est fracassée, les jeunes n'ont plus de repères, plus de référents, et les vieillards qui étaient considérés comme les gardiens de la sagesse collective passent carrément pour des fossiles décalés des réalités. Chaque famille qui arrive et jette l'ancre dans ce port ramène un peu de son douar dans le cabas, son “majmar” et sa “h'sira” par exemple. Le dialogue, disent-ils encore, est souvent difficile entre les citadins et les fellahs fraîchement urbanisés, entre la ville et la campagne, entre l'eau et le feu, entre le jour et la nuit. M. M. Mousquito 01-11-2011 03:36