Entre 1984 et 1995, plus de 13 000 Algériens bénéficiaient, chaque année, de prises en charge de la Caisse nationale de sécurité sociale pour se soigner dans des hôpitaux à l'étranger, notamment en France, liée à l'Algérie par une convention en la matière. En 2011, ils ne sont plus que 600 à être évacués, pour raisons médicales, hors du pays. En 27 ans, le nombre des malades transférés a baissé de 95%. Le Pr Bougherbal, président de la Commission médicale nationale de transferts pour soins à l'étranger, explique que “les transferts massifs grevaient énormément le budget de la Caisse nationale de sécurité sociale et ont induit la stagnation de la médecine algérienne”. D'autant qu'une convention, signée entre l'Algérie et la France, facilitait les procédures de prise en charge de malades algériens par les grands établissements hospitaliers français, notamment les hôpitaux de Paris, dans le cas d'interventions chirurgicales délicates ou le traitement d'une pathologie lourde. Il fallait alors trouver une solution pour mettre un frein à cette tendance. En 1995, la commission médicale nationale est instituée par un arrêté interministériel, qui stipule, dans son article 2, que “le transfert pour soins à l'étranger est une mesure médicale à caractère exceptionnel, autorisé pour des malades dont les soins requis sont de haut niveau et qui ne peuvent être assurés actuellement dans une structure sanitaire nationale”. Il est précisé, dans le dernier alinéa de l'article en question, que “ne peuvent être évacués vers des structures étrangères que les malades souffrant d'une pathologie impliquant un risque vital pour bénéficier d'un réel avantage thérapeutique”. Le rôle de ladite commission, formée par un collège de praticiens spécialistes, consiste à donner un avis médical sur une demande de transfert à l'étranger, formulée par le médecin traitant. Le dossier doit comporter, outre la prescription, un bilan d'extension ainsi que le plan thérapeutique et un pronostic fournis par la structure d'accueil. À la lumière de ces documents, la commission médicale statue sur le cas. Si elle donne un avis favorable, la CNAS établit automatiquement la prise en charge. “Actuellement, ne sont transférés à l'étranger que les cas qui ne peuvent pas réellement être pris en charge en Algérie. Je vous donne l'exemple de la malformation artério-veineuse au cerveau, qui est traitée avec une technique que ne maîtrisent pas les praticiens algériens, ainsi que les cardiopathies congénitales graves du nouveau-né, y compris pour les non-assurés”, atteste notre interlocuteur. En 2009, quelque 530 malades ont été transférés à l'étranger. Dans le détail, 169 d'entre eux souffraient de problèmes cardiaques (surtout des enfants) ; 24 de rétinoblastome (tumeurs de l'œil) ; environ 200 de cancers ; 152 nécessitant une neuro-embolisation et 19 divers. “Je me réfère dans les statistiques à l'année 2009. Pour 2010 et 2011, c'est plus compliqué. Je peux dire combien d'avis favorables a donné la commission, mais pas combien de malades sont partis réellement. Imaginez un malade qui a eu une prise en charge, mais n'a pas réussi à obtenir un visa, ou qui est décédé entre-temps”, précise le Pr Bougherbal. Environ 600 prises en charge ont été données durant les années 2010 et 2011. La commission est parvenue à stabiliser le nombre des évacuations à ce niveau en appliquant un programme de réduction des transferts à l'étranger. “Nous avons envoyé un questionnaire à tous les chefs de service de l'Algérie. Il porte sur l'activité du service, ce qu'il pourrait réaliser et ce qui lui manque. À partir des réponses que nous avons obtenues, nous avons mis en place un échéancier 2006-2009. Théoriquement, à partir de 2010, nous aurions dû arrêter complètement les évacuations à l'étranger pour soins. Le programme n'a pas été prolongé. Nous sommes dans l'expectative”, conclut le praticien. Souhila Hammadi