Quelques semaines avant l'intervention des Etats-Unis contre son régime, Saddam Hussein aurait tenté de négocier un accord de la dernière chance avec Washington pour empêcher la guerre. Plusieurs médias américains, notamment le New York Times en première page jeudi, relatent avec force détails les tractations secrètes engagées à la dernière minute par Bagdad par l'entremise d'un homme d'affaires libano-américain, Imad Hage. L'objectif de cette démarche irakienne, également révélée par la chaîne d'information ABC News et l'édition en ligne de l'hebdomadaire Newsweek, était pour Saddam Hussein de “conclure un accord” avec l'administration Bush. Les responsables irakiens impliqués dans cette affaire souhaitaient faire savoir aux Américains que l'Irak ne possédait plus d'armes de destruction massive, qui demeurent, par ailleurs, toujours introuvables. Selon des documents et des entretiens avec des responsables irakiens, cités par les médias américains, ces contacts ont eu lieu avec la bénédiction de Saddam Hussein. Le New York Times souligne que les contacts ont été relayés par un analyste du Pentagone jusqu'à Richard Perle, alors un proche conseiller du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, et considéré comme un faucon de l'administration. L'affaire commence avec l'arrivée à Beyrouth en février, sans annonce préliminaire, d'un agent du renseignement irakien, Hassan al-Obeïdi, dans les bureaux de l'homme d'affaires Imad Hage, président d'une compagnie d'assurances. Al-Obeïdi était alors chef des opérations à l'étranger du renseignement irakien. Il sera décrit par Hage comme un homme aux abois, au point d'être pris d'un malaise au cours de cette rencontre. Hage raconte que l'officier irakien va lui faire une série de propositions destinées à apaiser les Américains : tenue d'élections libres en Irak sous la supervision des Nations unies, avantages concédés aux Américains en matière de livraison de pétrole, livraison aux Américains d'un responsable d'Al-Qaïda, Abdul Rahman Yassine, recherché par le FBI pour son rôle présumé dans l'attentat du World Trade Center, à New York, en 1993. Obeïdi, cité par Hage dans le New York Times, affirmera alors que “les Américains peuvent envoyer 2 000 agents du FBI (en Irak) pour chercher ce qu'ils veulent”. Durant les jours qui suivent, les deux hommes vont se rencontrer à deux reprises avant que l'homme d'affaires n'accepte de se rendre à Bagdad. Il y rencontrera le chef du renseignement irakien, le général Tahir Abou Habboush, un homme toujours recherché par les Américains. “Sur la base de ma rencontre avec cet homme, je pense qu'un effort a été tenté pour éviter la guerre”, a confié l'homme d'affaires à ABC News. Le 19 février, Hage envoie par télécopie le rapport de cet entretien à un analyste du Pentagone, comme lui libano-américain, Michael Maloof, qui le repousse vers Richard Perle. Le rapport souligne que des dirigeants irakiens, notamment le ministre des Affaires étrangères Tarik Aziz, aujourd'hui détenu par les Américains, sont prêts à discuter avec Washington des possibilités d'éviter une confrontation. Imad Hage fait même part de la volonté inattendue des Irakiens de soutenir le processus de paix entre Israël et les Palestiniens, et leur acceptation d'une implication directe des Etats-Unis dans le processus de désarmement de l'Irak. Début mars, à moins de trois semaines du déclenchement de l'intervention américaine, M. Perle accepte de se rendre à Londres pour s'y entretenir avec M. Hage pendant deux heures. Celui-ci fait alors part à M. Perle de la volonté des Irakiens de le rencontrer. Mais un responsable de la CIA, la centrale américaine du renseignement, jugera une telle rencontre peu digne d'intérêt. L'intervention américaine contre le régime de Saddam Hussein sera lancée le 19 mars.