Par sa politique ambiguë Saddam a donné aux USA l'opportunité de l'attaquer. L'ancien dictateur irakien Saddam Hussein, croyant à sa propre machine de propagande, était persuadé que les Etats-Unis n'oseraient pas attaquer l'Irak et comptait sur le soutien de la France et de la Russie, selon un rapport du Pentagone publié vendredi. Les auteurs de cette enquête de plus de 200 pages intitulée «Etude sur les perspectives irakiennes» sur l'invasion de l'Irak en 2003 ont décortiqué des milliers de documents saisis et ont procédé à des entretiens avec des dizaines d'anciens responsables militaires et civils irakiens. Le New York Times avait publié il y a deux semaines des extraits de ce rapport partiellement déclassifié. Il s'agit de la première enquête de cette ampleur menée par l'armée américaine depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Selon le rapport, «soutenu par sa conviction que les Américains n'oseraient jamais entrer dans Baghdad, Saddam a espéré jusqu'à la dernière minute qu'il pourrait rester au pouvoir». Le dirigeant irakien était persuadé que la France et la Russie empêcheraient une invasion de l'Irak pour protéger leurs intérêts économiques. «La France et la Russie avaient négocié des contrats valant des millions de dollars... En outre (les Français) voulaient prouver qu'il pouvait utiliser leur veto au Conseil de sécurité (de l'Onu) et qu'ils avaient encore du pouvoir», selon l'ancien vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz. D'après le rapport, le gouvernement russe a fourni à Saddam Hussein des renseignements sur les plans de guerre américains par l'intermédiaire de son ambassadeur à Baghdad au début de l'invasion en mars 2003. Un rapport envoyé à Saddam Hussein le 24 mars affirme que les Russes ont collecté des informations de leurs «sources au commandement central américain à Doha» (Qatar) selon lesquelles les Etats-Unis sont convaincus qu'occuper des villes irakiennes est impossible et que leur «stratégie est d'isoler l'Irak de ses frontières occidentales». Ces renseignements «ont alimenté les soupçons que l'attaque depuis le Koweït était une diversion», estiment les auteurs de l'enquête. Un autre document adressé à Saddam Hussein le 2 avril rapporte des informations obtenues par l'intermédiaire de l'ambassadeur russe, selon lesquelles la plus grosse concentration de troupes américaines (12.000 soldats et plus de 1000 véhicules) se trouvait dans les environs de Kerbala, au sud-ouest de Baghdad. D'après ces informations, l'assaut sur Baghdad ne devait pas commencer avant l'arrivée de la 4e division d'infanterie américaine autour du 15 avril. L'attaque contre Baghdad a en fait commencé bien avant. L'enquête du Pentagone affirme également que Saddam Hussein n'avait pas planifié d'insurrection en Irak en cas de défaite car il était persuadé que les Etats-Unis n'envahiraient jamais son pays. «Il n'y avait pas de plan au niveau national pour enclencher une guérilla en cas de défaite militaire», écrivent les auteurs de l'enquête. Saddam Hussein craignait davantage une révolte interne et avait tendance à croire ce que disait sa «propre machine de propagande». Le président irakien était tellement préoccupé par la menace venant de l'intérieur, notamment un soulèvement chiite facilité par une intervention américaine, «qu'il a empêché l'organisation efficace de la lutte contre l'ennemi extérieur». Ainsi, il n'a pas demandé de faire sauter les ponts, ni de brûler les puits de pétrole ou encore d'inonder le Sud. Le rapport affirme aussi que Saddam Hussein avait maintenu l'ambiguïté sur la possession d'armes de destruction massive car il ne voulait pas «encourager les Israéliens à attaquer» l'Irak. Mais quand il a voulu fin 2002 convaincre la communauté internationale que son pays n'avait plus d'armes de destruction massive, il était devenu difficile de convaincre quiconque après des années d'ambiguïté.