La Libye reste le terrain d'une mosaïque de groupes armés. Rien qu'à Tripoli, deux grandes milices issues de la capitale sont menées par l'islamiste Abdel Hakim Belhadj, un vétéran de l'Afghanistan contre le communisme, et Abdoullah Naker, un chef de guerre sans étiquette, a priori. Sans compter les milices venues d'autres régions libyennes et qui ne comptent pas déposer leurs armes tant qu'elles n'ont pas obtenu leur part du gâteau. La situation sécuritaire est explosive au point que le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, d'habitude optimiste, évoque dorénavant un risque de guerre civile. Les ex-rebelles, de vraies factions militaires dirigées par des chefs de guerre et fondées pour la plupart sur des tribus, refusent de rentrer dans les rangs comme les ont conviées les autorités de transition. Le gouvernement provisoire libyen leur a offert la possibilité de s'intégrer dans la nouvelle armée nationale qui se construit avec l'aide notamment de l'Otan. Pis encore, ces chefs de guerre refusent même d'accepter la récente nomination du nouveau chef d'état-major pourtant récemment désigné après que son prédécesseur, un général soupçonné d'être à la solde de la CIA américaine, ait été éjecté. Ces milices “révolutionnaires”, qui ont contribué à la chute du régime de Mouammar Kadhafi, font encore la loi en Libye. Dans la capitale en particulier où la population n'a pas arrêté de manifester pour demander le démantèlement de ces groupes armés. Les incidents entre milices, population et forces officielles se sont multipliées. La semaine dernière, des affrontements entre une milice locale et des ex-rebelles venus de la ville de Misrata ont fait quatre morts dans la capitale. L'arrestation d'un milicien de Misrata à Tripoli aurait mis le feu aux poudres, selon Al-Jazeera. “Soit nous répondons sans faiblesse à ces événements qui entraînent les Libyens dans une confrontation militaire que nous ne pouvons accepter, soit c'est la sécession et la guerre civile”, a estimé le président du CNT depuis Benghazi, apparemment plus sécurisée. Moustapha Abdeljalil, lui-même vieux compagnon de route de Kadhafi, menace de ne pas tenir d'élections tant que les miliciens refusent de rendre leurs armes. Sa déclaration sonne comme un aveu d'impuissance. Car les miliciens, qui ont puisé leurs armes dans l'arsenal de l'ancien régime après avoir été armés par la coalition franco-britannico-qatarie, constituent pour tous ceux qui ont de l'influence sur la Libye post-Kadhafi le bon argument pour peser sur ses choix politiques, diplomatiques, économiques et sociaux. Le climat est si délétère qu'il inquiète au plus haut point, Washington dont la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland, vient de renouveler les offres de services de son pays au CNT pour “mettre en place une force centrale” avec l'assistance de l'Otan. “Nous lui fournissons déjà certains conseils”, a souligné Victoria Nuland dont la déclaration a donné l'impression que les Etats unis étaient comme pris de court par la tournure des événements en Libye. Washington va certainement dans une première phase dépêcher des conseillers militaires dans ce pays du Maghreb. Plus de deux mois après la capture et l'assassinat de Mouammar Kadhafi, Tripoli ressemble à une mosaïque de fiefs aux mains de milices différentes. D'un côté, Abdel Hakim Belhadj, islamiste passé par des camps taliban en Afghanistan, installé dans une suite d'un hôtel de luxe à Tripoli. De l'autre, Abdoullah Naker, ancien ingénieur en électronique qui ne cache pas son mépris à l'égard de Belhadj et des autorités de transition. Des milices étrangères à la capitale sont aussi actives dans Tripoli, telles que celle de Zentane, qui contrôle l'aéroport international. Les milices de Misrata maintiennent une présence dans les faubourgs de l'est tandis que des combattants de la minorité berbère délimitent leurs territoires à l'aide de drapeaux bleus, verts et jaunes. Un autre groupe de combattants originaires de l'est de la Libye, berceau de la révolution, ajoute à la confusion. Et toute cette armada de miliciens à son porte-parole au sein du CNT ! Tous convoitent le poste de chef de la nouvelle armée en gestation. La nomination récente de Youssef al Mankouch, vice-ministre de la Défense dans le gouvernement de transition, un choix de compromis, n'a pas satisfait les miliciens : son nom ne figure pas dans leur liste remise au président du CNT. Et celui-ci vient d'offrir un salaire de 500 dollars à ceux qui choisissent d'intégrer l'armée ou la police. D. B