Les accusations de dopage contre les joueurs de l'équipe nationale de football des années 1980, colportées notamment par la presse étrangère, faisant suite aux déclarations d'ex-internationaux, à l'image de Djamel Menad, Mohamed Kaci-Saïd et Mohamed Chaïb, continuent de faire susciter des réactions d'indignation. Les affirmations de ces derniers soulignant qu'un lien avait été établi médicalement entre la consommation à l'époque de certains produits (pilules jaunes) et le fait qu'ils aient enfanté des enfants handicapés ont été vite exploitées par cette même presse pour évoquer des cas de dopage avérés. Un joli raccourci que réfute énergiquement un témoin privilégié du Mondial 82, en l'occurrence Chaâbane Merzekane, l'un des héros de l'épopée de la Coupe du monde 82. Preuves à l'appui ! Liberté : Merzekane, ces derniers jours, l'on assiste à une vive polémique déclenchée par les déclarations d'anciens internationaux autour de la consommation de certains produits et de leurs conséquences sur la santé de leur progéniture. Que pensez-vous de cette affaire ? Chaâbane Merzekane : Je suis vraiment navré et outré par cette affaire ou, pour être plus juste, par l'exploitation qui en est faite par certaines parties. Je compatis naturellement avec mes coéquipiers et amis Mohamed Chaïb, Mohamed Kaci-Saïd et Djamel Menad. Mais il faut savoir que tout d'abord ces trois joueurs ne figuraient pas dans l'effectif qui a participé au Mondial 1982. Maintenant, s'ils parlent du Mondial mexicain de 1986 auquel ils ont participé, c'est autre chose. Personnellement, je ne crois pas du tout à cette affaire de dopage, car si tel est le cas tout le monde aurait été touché. Je ne comprends pas pourquoi ce sont ces trois seuls joueurs qui sont touchés. Je réfute catégoriquement cette histoire de dopage inventée 30 ans après notre participation en Coupe du monde de 1982. Justement, avez-vous des arguments à faire valoir ? Bien sûr, j'ai des preuves tangibles qui prouvent que cette histoire ne repose sur aucun fait crédible. Tout le monde sait que la Fifa est une organisation très structurée où toutes les archives sont bien conservées. Eh bien, chiche ! Allez vérifiez les contrôles antidopage effectués lors du Mondial 1982. Personnellement, j'ai subi trois contrôles antidopage pour les matchs qu'on a disputés respectivement face à l'ex-RFA, l'Autriche et le Chili. Je me rappelle très bien que c'était un médecin français qui prélevait les échantillons, je lui ai même posé la question suivante : “Pourquoi à chaque fois c'est le N° 5 (Merzekane portait ce numéro lors du mondial, Ndlr) qui est soumis au test antidopage ?” Il y avait aussi avec moi une fois Assad et une autre fois Belloumi, il y avait aussi nos adversaires, Rummunigge (Allemagne) et Schachner (Autriche). Les résultats étaient nets et sans équivoque, c'est-à-dire négatifs. Si réellement on était dopés, les résultats seraient positifs, et la Fifa aurait pris des sanction contre l'Algérie. Même les médias étrangers présents en force lors de ce mondial espagnol ne nous aurait jamais lâchés, notamment après notre victoire face à l'Allemagne. Cela aurait été pour eux l'occasion de nous discréditer. Sachez aussi que ce n'est pas uniquement au Mondial 1982 que j'ai subi personnellement des tests antidopage de la part de la commission médicale de la Fifa, même lors des Jeux olympiques de Moscou en 1980, j'ai subi des tests antidopage pour les trois matchs que j'ai joués, et ils étaient tous négatifs. Comment interprétez-vous alors cela ? N'est-ce pas là une autre preuve de ce que j'avance ? En fait, cette affaire de dopage est une machination, sans plus afin de salir le football algérien. Est-ce que les joueurs prenaient des fortifiants lors de cette phase finale ou lors du stage en Suisse qui a précédé le Mondial ? Les joueurs algériens ne prenaient absolument rien du tout, tout le monde ne comptait que sur ses capacités et son talent. Savez-vous pourquoi on me demande à chaque fois de subir les tests antidopage ? C'est à cause de mes longues chevauchées sur le terrain, mes remontées en attaque et mes replis automatiques en défense. Cela paraissait anormal chez certains, d'où le recours au test antidopage. Pour revenir à votre question, il y avait autour de l'équipe nationale à l'époque des gens qui veillaient méticuleusement sur tout ce qui avait trait au volet médecine sportive. Des compétences reconnues, à l'instar du docteur en chef, M. Radaoui, et le Dr Bensalem. Je me rappelle qu'on nous donnait le médicament Sergénor en ampoules et Upsa en cachets. Personnellement, je ne les prenais pas, je préférais les oranges fraîches. D'ailleurs, notre coach Mahiedine Khalef me faisait à chaque fois la remarque à ce propos, et je lui répondais que prendre les oranges aide à lutter contre le rhume et la grippe. En revanche, le médecin nous mettait en garde de prendre le Dénoral, qui renferme des substances aux effets positifs lors des tests antidopage. À chaque fois qu'on avait une compétition officielle, le docteur Radaoui dressait une liste de médicaments à prendre et une autre à éviter, pour ne pas risquer d'être contrôlé positifs. Tous les joueurs se pliaient à ses orientations. Ceci pour vous dire que cette histoire de dopage n'existait pas du tout au sein de notre équipe nationale. D'après vous, pourquoi on a choisi ce moment précis pour s'attaquer à cette génération qui a porté haut les couleurs du pays ? Justement, moi aussi je m'interroge sur les visées de cette campagne contre une équipe nationale qui a réalisé un très bon mondial et a toujours été à la hauteur. En s'attaquant à cette équipe nationale, c'est tout le football algérien qui est visé. En fait, certains veulent saboter tout ce qui a été fait par cette génération douée. D'ailleurs Fergani, Belloumi, Madjer sont sortis eux aussi de leur mutisme pour dénoncer cette campagne contre la génération des années 80. Vous estimez donc que votre génération est la cible de certains cercles ? Tout à fait ! Sinon comment expliquer qu'à chaque fois on essaye d'inventer une histoire invraisemblable pour descendre en flammes cette équipe du Mondial 82 qui a pourtant donné tant de joie au peuple algérien ? Est-ce que vous en voulez à vos ex-coéquipiers d'avoir ébruité cette affaire ? Ils sont libres de dire ce qu'ils veulent, je vous l'ai dit au début, je compatis avec eux. Avoir des enfants handicapés est vraiment très dur à supporter. Que Dieu soit avec eux. En revanche, parler déjà de dopage est faire preuve de légèreté et d'un manque de respect contre le football algérien. R. A.