Sophie Bessie, agrégée d'histoire et actuellement directrice de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques de Paris (Iris), a proposé ce jeudi après-midi à l'institut français d'Oran, une lecture et analyse des révolutions et bouleversements ayant marqué les pays arabes durant l'année 2011. Alors qu'aujourd'hui, le processus de ces mouvements ayant totalement modifié la donne géopolitique et géostratégique de la région est toujours en cours, la chercheuse tente de répondre aux questionnements sur le devenir de ces mouvements. L'historicité propre à chacun des pays arabes comme la Tunisie “qui n'est pas un état rentier” en passant par l'Egypte caractérisé par “un pouvoir militaire toujours en place” ou encore la Libye avec “l'inexistence de l'idée de Nation”, sont autant d'éléments qui aujourd'hui débouchent sur des paradoxes. Ce paradoxe est de voir “des révolutions séculières”, mis à part le Yémen, aboutir à des pouvoirs qui se réclament de l'islamisme politique suite aux élections libres, que ce soit dans le cas du Maroc, de la Tunisie ou de l'Egypte. Mais la conférencière d'y voir des victoires relatives “les mouvements islamistes ont bénéficié de la répression dont ils ont été l'objet sous les dictatures, mais surtout c'est le référent idéologique religieux qui reste le plus audible dans les populations”. Sophie Bessie y voit même encore, dans cet aspect, une conséquence directe des dictatures “qui ont de tout temps instrumentalisé ce référent religieux, le renforçant indéniablement”, dira cette dernière. Dès lors la conférencière appréhende des scénarios où l'islamisme politique va devoir s'adapter à la demande sociétale, avec cette confrontation attendue dans la gestion du pouvoir. “Maintenant qu'ils vont être confrontés à la gestion qu'est-ce qui va l'emporter ? La base idéologique ou la nécessité de faire de la politique”, non sans estimer qu'il y aura inévitablement des soubresauts dans la société et des régressions. Pour Sophie Bessie la donne sociale et économique sera cruciale, même si très peu abordée jusqu'ici, car dans la population que ce soit en Tunisie, en Egypte, les questions d'emplois, de chômage, mais aussi de l'accès au “statut de citoyen” vont être cruciales et de souligner au passage l'indigence total des solutions des politiques économiques des partis islamistes. “Ces mouvements islamistes politiques sont généralement ultra libéraux”, conclut-elle sur ce chapitre. Poursuivant son analyse, la conférencière ne manquera pas de mettre en relief l'influence ou la donne de certains facteurs extérieurs. Que ce soit l'intervention militaire extérieure, comme en Libye, mais plus précisément la lutte d'influence que se livrent deux blocs religieux, les sunnites et les chiites pour la domination de l'espace musulman. C'est sous ce prisme que l'intervenante dissèque le rôle des monarchies du Golfe depuis le déclenchement des révolutions des pays arabes et de déclarer “les monarchies du Golfe favorisent les mouvements islamiques conservateurs pour, d'une part limiter la contagion démocratique et, surtout, limiter l'axe chiite”. D. L